Utilisateur:Marcel/Guillemets simples chevrons
Les guillemets simples chevrons semblent ne pas être en usage en France, du moins en ont-ils la réputation, ou plus exactement : ils n’en ont aucune entre l’Atlantique et le Jura. La raison ? Aucun code, marche ou guide typographique ne s’emploie à les recommander dans l’Hexagone. Mais il n’est pas non plus très clair comment la réputation des caractères se fait ou se défait.
Ce qui est sûr pour l’instant, c’est que le projet d’azerty AFNOR dévoilé pour l’enquête publique de 2017 a les guillemets doubles chevrons en clavier bépoAltGr sur la rangée de repos, touches clavier bépoL et clavier bépoM, et les guillemets simples chevrons sur les mêmes touches en clavier bépoMaj+clavier bépoAltGr. On note aussi la synergie de l’espace fine insécable (EFI) avec ces derniers, dont elle partage le niveau. À la même échéance, le bépo 1.1 propose d’accéder aux guillemets simples chevrons par la touche morte ‹ Latin étendu et ponctuation étendue › : clavier bépoAltGr+clavier bépoT suivie de clavier bépo« ou clavier bépo» (touches clavier bépo3 et clavier bépo4). |
L’ajout de la prise en charge des guillemets simples chevrons sur le bépo est cohérente avec les contraintes de la mise à niveau. La première priorité est de ne pas modifier la maquette d’impression des touches telle qu’elle est en usage auprès des constructeurs, mise à part la permutation des apostrophes, qui n’impacte pas trop le visuel tout en améliorant la prise en charge du français depuis qu’on n’utilise plus d’ordinateurs limités à Latin-1. Le problème est que les places possibles des guillemets simples chevrons sur le bépo qui correspondent au placement sur l’azerty AFNOR sont occupées par les guillemets doubles apostrophes, qui selon l’une des traditions françaises jouent le même rôle de délimiteurs des citations de deuxième niveau.
Second choix : remplacer les symboles ≤ et ≥ non par ⩽ et ⩾, mais par les guillemets simples chevrons. Mais cela est si improbable côté cohérence que personne n’a eu cette idée pendant l’élaboration du projet de norme. Ni pendant l’enquête publique paraît-il. Sans doute parce qu’« ils ne sont pas en usage en France », justement. Cela dit, le bépo en tant que disposition francophone ayant pour vocation de couvrir “aussi” la Suisse, où ces ponctuations ont la réputation d’être en usage, c’est peut-être dommage que les guillemets simples chevrons ne soient pas sur touches vives.
Faute de pouvoir fournir un dossier d’exemples numérisés ou déjà sur la toile, j’ai fini par regarder un peu ce qu’il en est dans les codes typographiques sur lesquels j’ai pu mettre la main dans un premier temps, grâce à leur présence dans une salle de bibliothèque universitaire, fréquentée en trombe. Le résultat est édifiant : Nous pouvons faire comme nous voulons finalement, pour peu que l’objectif soit bien d’assurer à nos écrits une intelligibilité maximale.
- Cette page exprime un point de vue personnel.
- L’objectif est de résoudre un problème qui m’a été posé, en clarifiant un point d’orthotypographie, dans le but d’aplanir la voie du développement des dispositions de clavier pour la France.
- Je pense que l’enjeu pour le bépo est important, et qu’il faudrait promouvoir une redisposition marginale supplémentaire, dans le respect de la carte simplifiée.
- Les citations sur cette page, ayant pour fonction d’illustrer le propos, respectent de ce fait le droit d’auteur (qui autorise les citations d’extraits dans un but d’illustration).
- S’agissant de recopie d’ouvrages imprimés, les espaces accompagnant les grandes ponctuations sont réputées être des fines insécables, sans que cela préjuge des caractères d’espacement présents dans le fichier source d’origine.
- Sous réserve d’erreurs de recopie (à la main).
Merci de se reporter aux ouvrages originaux cités dans la bibliographie.
Suivez le guide
Pour prendre connaissance des possibilités de guillemetage qui existent en France, j’ai commencé par la théorie. Outre le Lexique de l’Imprimerie nationale, on a le site consacré à l’orthotypographie de Jean-Pierre Lacroux, collection de matérieux d’un auteur décédé avant l’âge. C’est probablement surtout une accumulation d’avis personnels, exprimés de manière parfois attachante, parfois limite, en fonction des goûts personnels et apparemment sans avoir eu le temps d’étudier les tenants et aboutissants des questions qui lui furent soumises. Il y a une section sur les guillemets.
Nouveau code typo
Ce que j’ai voulu voir en priorité comme la source qui a l’air d’être la plus réputée, c’est le Code typographique de la Société amicale des directeurs, protes et correcteurs d’imprimerie de France. Cet ouvrage, qui existe depuis 1928, a bénéficié d’une réédition en 1997 (la dernière durant ces vingt dernières années).
Titre : Le Nouveau code typographique
Titre de couverture : NOUVEAU CODE TYPO
Sous-titre : Les règles typographiques de la composition à l’usage des auteurs, des professionnels du livre et des utilisateurs d’ordinateurs
Auteur : Révisé, complété et modernisé par Robert Guibert
Éditeur : Fédération de la communication CFE/CGC
Date : Septembre 1997
Lieu : Paris [adresse et numéros de téléphone et télécopie]
Dans WorldCat on trouve ce résumé : « La rénovation du "Code typographique" a été rendue nécessaire par la prise en compte de la nouvelle technologie informatique qui a supplanté tous les autres systèmes de composition. »
Un ordinateur figure bien sur la couverture.
Voyons ce qu’il dit à propos des guillemets.
[p. 139 :]
- 154. Les guillemets
- Les guillemets ( « » ) indiquent :
- 1) Les citations :
- a) dans les citations simples, un guillemet ouvrant [ « ] se met au début de la citation. Mais lorsque celle-ci porte sur plusieurs alinéas successifs, on met un guillemet ouvrant [ « ] à chaque alinéa et la citation se termine par un guillemet fermant [ » ] :
Il termina ainsi :
« Toute femme intelligente, au cœur généreux,
sentira peser sur elle une responsabilité sociale.
« Si elle est ouvrière, employée, épouse, mère de famille… »
- b) dans les citations doubles ou triples (citations de citations), on met un guillemet ouvrant au début de chaque citation et au commencement des lignes des deuxième et troisième citations, ainsi qu’aux alinéas indiquant la suite de chacune d’elles. Enfin la citation est terminée par un guillemet fermant :
« Si nous nous reportons à l’exposé des motifs… :
« La Direction générale des contributions
« directes a fait mieux encore dans le sens
« de son opinion…
« Enfin, dit-elle dans son mémoire, depuis
« l’arrêt de la Cour de cassation de 1876, le
« législateur… La loi du 26 janvier 1892
« dispose en ces termes, dans son article 26 :
« Est supprimé à dater du 1ᵉʳ avril 1892… »
- 2) Il est possible d’adopter une autre méthode également acceptée : celle-ci emploie le guillemet fermant au commencement des lignes des citations de citations.
- Ces deux méthodes sont admises. Il est préférable, quand il n’existe pas de précédent, de choisir l’une de ces deux marches en accord soit avec l’auteur, soit avec le client.
[p. 140 :]
- 3) Il ne faut jamais mettre de guillemets à chaque ligne des simples citations.
- 4) On ne met pas de guillemets avant et après les vers intercalés dans une citation :
Rivarol vantait un jour dans une société les
mérites du style le Buffon :
« Ne me parlez pas de votre Buffon, s’écria
d’Alembert, de ce naturaliste…
— Vous avez raison, réplique Rivarol, c’est
comme ce sot de Jean-Baptiste (Rousseau) qui
s’avisa d’écrire :Des bords sacrés où naît l’Aurore
Aux bords enflammés du couchant…
au lieu de dire tout simplement de l’est à l’ouest. »
Fin de citation. La section sur les guillemets va jusqu’à la page 142 en continuant la liste numérotée avec un certain nombre de détails, comme le fait de ne pas mettre entre guillemets les noms des animaux (ce qui relève aussi de la politesse). Jʼai essayé de reproduire lʼindentation fidèlement depuis l’original, notamment tout à la fin de l’extrait.
Jʼai eu beau chercher sur internet, je n’ai pas trouvé de pseudo-classe CSS qui s’appellerait « each-line » ou quelque chose du genre et qui permettrait de faire précéder d’un guillemet chaque ligne d’un texte sans que celui-ci soit découpé en éléments. Pourtant ce serait génial car une telle astuce permettrait de publier des pages web de style baroque ou romantique. Il paraît qu’il y a moyen de le faire dans LaTeX. Peut-être cette fonctionnalité est aussi incluse dans InDesign et QuarkXPress. Il fallait bien savoir comment cela passe sur ordinateur.
Déçu, j’ai feuilleté la dizaine de guides et monographies qui entourent le Nouveau guide typo sur l’étagère, noté l’ISBN de trois d’entre eux pour en cherger les fiches dans Zotero une fois rentré. Cʼest là que j’ai vu le nom de Louis Guéry. Jʼavais vu que dans cet ouvrage, les guillemets anglais sont recommandés pour les citations de second niveau. Alors je me suis dit ça vaut le coup de fournir des extraits. Malheureusement c’était tard le vendredi et la BU allait bientôt fermer ses portes, mais j’y suis retourné (à vélo) quand même.
Au final, c’est Louis Guéry[1] qui aura sauvé la situation.
Louis Guéry
Face au besoin urgent des journalistes et autres utilisateurs d’ordinateurs de pouvoir disposer d’un quide pratique au quotidien, Louis Guéry a relevé le défi d’abréger.
Titre : Abrégé du code typographique à l'usage de la presse
Auteur : Louis Guéry
Éditeur : Victoires Éditions
Diffusion : Presses universitaires de France
Édition : 8ᵉ
Date : 2010
Lieu : Paris
Voici donc ce que j’ai noté en premier (mais j’ai réorganisé les notes pour laisser le meilleur pour la fin) :
Dans la section Espaces et ponctuation, page 65, on apprend que les guillemets s’accompagnent d’une « espace-mots insécable » à l’intérieur :
guillemet ouvrant : espace-mots sécable « espace-mots insécable
guillemet fermant : espace-mots insécable » espace-mots sécable
Une note précise qu’« il n’y a pas d’espace-mots entre le guillemet fermant et la ponctuation qui peut le suivre ». Bon à savoir quand il est suivi d’une autre ponctuation double.
Désireux d’en savoir plus sur l’« espace-mots insécable », je note page 66 à Espaces qu’il est question de photocomposition, et qu’en photocomposition, les espaces à valeur fixe sont toujours insécables [la plupart le sont aussi en traitement de texte]. Il y a le cadratin, le demi-cadratin, et le quart de cadratin, « parfois encore appelé espace fine ». Elle est effectivement plus fine que « l’espace-mots normale [qui] égale en principe, selon la règle typographique, un tiers de cadratin ».
Cela me rappelle l’espace fine insécable d’Unicode, recommandée dans le standard pour servir en français d’« espace fine insécable » (« en français dans le texte » [exergue de couverture du livre qu’on est en train de voir]), et je pense aussi à la PAO. Au moins je sais maintenant comment faire en photocomposition.
Et les guillemets ? Cʼest page 66 et 67 !
- Le guillemetage des citations :
[…]
- Si la citation comporte plusieurs alinéas, on répète le guillemet ouvrant au commencement de chacun d’eux.
- Si une seconde citation est incluse dans la première, elle se place entre des guillemets anglais ouvrant et fermant, sans influencer le guillemetage de la première citation. L’habitude veut que chacune des lignes de la citation incluse commence par un guillemet anglais ouvrant.
Latin-1 ou CP 1252 ?
Notons que dans Latin-1, les seuls guillemets typographiques disponibles sont les guillemets français. Ça peut être une raison de ne pas en utiliser d’autres.
Or dans la page de codes Windows 1252 ainsi que dans MacRoman, on trouve non seulement les guillemets apostrophes typographiques, mais aussi les guillemets simples chevrons. Une raison de ne pas utiliser ces derniers est peut-être de rester interopérable avec Latin-1, tant utilisé qu’il a fallu fournir Latin-9 pour l’€ (et l’Œ, enfin). La seule représentation Latin-1 des guillemets simples chevrons sont les < et >, qui ne vont pas du tout, contrairement aux dits « gants de toilette » " et ' qui pendant longtemps paraissent ne pas avoir choqué une partie des utilisateurs.
Mais aujourd’hui que tout a été basculé vers Unicode, je peine à trouver une excuse technique. Cʼest uniquement une question de préférences, et là, à lire Lacroux, ça me fait vraiment peur. Or si les Allemands s’en servent, et que les Romands les utilisent même en français, il faudra voir si ce langage-là est maintenu ou pas.
Licence de ponctuer
J’aime bien aussi la quatrième de couverture du livre de Louis Guéry. ELle n’est peut-être pas de l’auteur lui-même mais de l’éditeur, comme beaucoup de quatrièmes de couverture, mais peu importe :
- L’orthographe ne sert à rien. Sauf si l’on comprend mieux ce dont il s’agit lorsque l’on écrit « tonneau d’eau » plutôt que « tonodo ». Il en est de même des règles typographiques, qui n’ont d’autre but que de faciliter la lisibilité du texte. Or, aujourd’hui, ce ne sont plus des typographes hautement qualifiés qui composent les textes dans la presse et dans l’édition, mais les secrétaires d’édition, les auteurs ou les journalistes eux-mêmes.
- Ce petit livre […] est également destiné à tous ceux que les règles typographique [sic] passionnent… ou effraient et qui souhaitent rendre plus lisibles leurs écrits. Quant à l’avalanche de textes qui inondent la toile, gageons qu’une modeste partie finira bien par « subir » la correction. On a le droit d’être optimiste !
Si les autorités incontestées se sabordent et laissent le champ libre avant d’imploser une à une, que va-t-il rester sinon la liberté de prendre nos responsabilités individuelles et collectives en faisant de notre mieux à l’aide des caractères existants.
Une synchro bépo-azerty ?
Cette partie est à venir.
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