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Je propose par exemple de prendre des textes de Wikisource, ça participe alors à notre culture générale… Mais tous textes sont les bienvenus, en particulier ceux qui ont des nombres en chiffres (dates et autres, ça manque un peu sur les textes de wikisource). Par contre je compte faire une séparation entre textes « littéraires » et textes conçus pour l’occasion spécifiquement à cette page (je sais que certains avaient commencé pour le dactylotest). | Je propose par exemple de prendre des textes de Wikisource, ça participe alors à notre culture générale… Mais tous textes sont les bienvenus, en particulier ceux qui ont des nombres en chiffres (dates et autres, ça manque un peu sur les textes de wikisource). Par contre je compte faire une séparation entre textes « littéraires » et textes conçus pour l’occasion spécifiquement à cette page (je sais que certains avaient commencé pour le dactylotest). | ||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_aux_habitants_de_Riom Lettre aux habitants de Riom, Jeanne d’Arc] === | |||
Chers et bons amis, vous savez bien comment la ville de Saint-Pierre-le-Moûtier a été prise d’assaut ; et avec l’aide de Dieu j’ai l’intention de faire vider les autres places qui sont contraires au roi. Mais pour ce, de grandes dépenses de poudre, traits et autres habillements de guerre ont été faites devant la dite ville et modestement les seigneurs qui sont en cette ville et moi-même en sommes pourvus pour aller mettre le siège devant La Charité-sur-Loire, où nous allons prestement. Je vous prie parce que vous aimez le bien et l’honneur du roi. Et aussi vous voudrez bien aider pour ledit siège et ainsi envoyer rapidement de la poudre, du salpêtre, du soufre, des traits, des arbalètes fortes et d’autres habillements de guerre. Faute de poudre et habillements de guerre, faites que la chose ne soit pas longue et qu’on ne puisse dire que vous êtes négligents ou refusants. Chers et bons amis, que notre sire soit protégé par vous. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Beaucoup_de_bruit_pour_rien/Acte_I Beaucoup de bruit pour rien, William Shakespeare] === | |||
J’aimerais mieux être la chenille de la haie qu’une rose par ses bienfaits. Le dédain général convient mieux à mon humeur que le soin de me composer un extérieur propre à ravir l’amour de qui que ce soit. Si l’on ne peut me nommer un flatteur honnête homme, du moins on ne peut nier que je ne sois un franc ennemi. Oui, l’on se fie à moi en me muselant, ou l’on m’affranchit en me donnant des entraves. Aussi, j’ai résolu de ne point chanter dans ma cage. Si j’avais la bouche libre, je voudrais mordre ; si j’étais libre, je voudrais agir à mon gré : en attendant, laisse-moi être ce que je suis ; ne cherche point à me changer. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/L’Utopie/Livre_2/Titre_7 L’Utopie, Thomas More] === | |||
Les Utopiens ont la guerre en abomination, comme une chose brutalement animale, et que l’homme néanmoins commet plus fréquemment qu’aucune espèce de bête féroce. Contrairement aux mœurs de presque toutes les nations, rien de si honteux, en Utopie, que de chercher la gloire sur les champs de bataille. Ce n’est pas à dire pour cela qu’ils ne s’exercent avec beaucoup d’assiduité à la discipline militaire ; les femmes elles-mêmes y sont obligées, aussi bien que les hommes ; certains jours sont fixés pour les exercices, afin que personne ne se trouve inhabile au combat quand le moment de combattre est venu. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Essais_(1907)/Livre_I/Chapitre_2 Essais, Michel Montaigne] === | |||
La tristesse est une disposition d’esprit dont je suis à peu près exempt ; je ne l’aime, ni ne l’estime ; bien qu’assez généralement, comme de parti pris, on l’ait en certaine considération et qu’on en pare la sagesse, la vertu, la conscience, c’est un sot et vilain ornement. Les Italiens ont, avec plus d’à propos, appelé de ce nom la méchanceté, car elle est toujours nuisible, toujours insensée ; toujours aussi, elle est le propre d’une âme poltronne et basse ; les stoïciens l’interdisent au sage. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Prince/Dédicace Le Prince, Nicolas Machiavel] === | |||
Vous ne trouverez dans cet ouvrage, ni un style brillant et pompeux, ni aucun de ces ornements dont les auteurs cherchent à embellir leurs écrits. Si cette œuvre vous est agréable, ce sera uniquement par la gravité et la matière du sujet. Il ne faut pas que l’on m’impute à présomption, moi un homme de basse condition, d’oser donner des règles de conduite à ceux qui gouvernent. Mais comme ceux qui ont à considérer des montagnes se placent dans la plaine, et sur des lieux élevés lorsqu’ils veulent considérer une plaine, de même, je pense qu’il faut être prince pour bien connaître la nature et le caractère du peuple, et être du peuple pour bien connaître les princes. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Éloge_de_la_folie_(Lejeal)/Éloge_de_la_Folie Éloge de la Folie, Érasme] === | |||
Il m’a pris fantaisie de faire aujourd’hui la sophiste, non pas à l’instar de ces pédants qui, à notre époque, bourrent de balivernes la tête des malheureux enfants, et les rendent plus opiniâtres que des femmes dans la discussion. Non, je veux imiter ces anciens qui, pour éviter le discrédit qui s’attachait de leur temps au nom de sage, prirent celui de sophiste. Leur principale affaire était de célébrer dans des éloges les dieux et les grands hommes. C’est aussi un éloge que je vais vous donner, mais ce ne sera ni celui d’Hercule, ni celui de Solon ; ce sera le mien propre, l’éloge de la Folie. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_de_la_servitude_volontaire/Français_moderne Discours de la servitude volontaire, Étienne de la Boétie] === | |||
Je ne veux pas débattre ici la question tant de fois agitée, à savoir « si d’autres sortes de républiques sont meilleures que la monarchie ». Si j’avais à la débattre, avant de chercher quel rang la monarchie doit occuper parmi les divers modes de gouverner la chose publique, je demanderais si l’on doit même lui en accorder aucun, car il est difficile de croire qu’il y ait rien de public dans ce gouvernement où tout est à un seul. Mais réservons pour un autre temps cette question qui mériterait bien un traité à part, et qui provoquerait toutes les disputes politiques. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_sur_la_découverte_du_Nouveau-Monde Lettre sur la découverte du Nouveau-Monde, Christophe Colomb] === | |||
Comme je sais que cela doit vous être agréable, j’ai résolu d’écrire le récit de la conquête, afin que vous connaissiez les détails de notre voyage, de nos exploits et de nos découvertes. Trente-trois jours après avoir quitté Cadix, je suis entré dans la mer des Indes où j’ai trouvé plusieurs îles remplies d’habitants. Après y avoir fait faire une proclamation solennelle, et y avoir déployé nos drapeaux, j’en ai pris possession au nom de notre roi très-heureux sans que personne ne s’y soit opposé. J’ai donné à la première de ces îles le nom de Saint-Sauveur (San Salvador), en reconnaissance du secours que le Sauveur m’avait fourni, tant pour cette île que pour les autres où nous sommes entrés. Les Indiens appellent cette première Guanahani. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Réponse_de_M._Racine_aux_discours_de_MM._Thomas_Corneille_et_Bergeret Réponse de M. Racine aux discours de MM. Thomas Corneille et Bergeret, Jean Racine] === | |||
Heureux ceux qui, comme vous, Messieurs, ont l’honneur d’approcher de près ce grand Prince, et qui, après l’avoir contemplé avec le reste du monde dans ces importantes occasions où il fait le destin de toute la terre, peuvent encore le contempler dans son particulier et l’étudier dans les moindres actions de sa vie, non moins grand, non moins héros, non moins admirable, plein d’équité, plein d’humanité, toujours tranquille, toujours maître de lui, sans inégalité, sans faiblesse, et enfin le plus sage et le plus parfait de tous les hommes ! | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Éthique/Partie_I Éthique, Baruch Spinoza] === | |||
Si donc quelqu’un venait nous dire qu’il a une idée claire et distincte, et partant une idée vraie d’une certaine substance, et toutefois qu’il doute de l’existence de cette substance, ce serait en vérité (un peu d’attention rendra ceci évident) comme s’il disait qu’il a une idée vraie, et toutefois qu’il ne sait si elle est vraie. Ou bien, si l’on soutient qu’une substance est créée, on soutient par la même raison qu’une idée fausse est devenue une idée vraie, ce qui est le comble de l’absurdité. Et par conséquent il faut nécessairement avouer que l’existence d’une substance est, comme son essence, une vérité éternelle. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Maître_chat_ou_le_Chat_botté Le Maître chat ou le Chat botté, Charles Perrault] === | |||
Lorsque le Chat eut ce qu’il avait demandé, il se botta bravement, et, mettant son sac à son cou, il en prit les cordons avec ses deux pattes de devant, et s’en alla dans une garenne où il y avait grand nombre de lapins. Il mit du son et des laiterons dans son sac, et s’étendant comme s’il eût été mort, attendit que quelque jeune lapin, peu instruit encore des ruses de ce monde, vînt se fourrer dans son sac pour manger ce qu’il y avait mis. À peine fut-il couché, qu’il eut contentement : un jeune étourdi de lapin entra dans son sac, et le maître Chat, tirant aussitôt les cordons, le prit et le tua sans miséricorde. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/La_Machine_d’arithmétique La Machine d’arithmétique, Blaise Pascal] === | |||
Ami lecteur, cet avertissement servira pour te faire savoir que j’expose au public une petite machine de mon invention, par le moyen de laquelle seul tu pourras, sans peine quelconque, faire toutes les opérations de l’arithmétique, et te soulager du travail qui t’a souvent fatigué l’esprit, lorsque tu as opéré par le jeton ou par la plume : je puis, sans présomption, espérer qu’elle ne te déplaira pas, après que Monseigneur le Chancelier l’a honorée de son estime, et que, dans Paris, ceux qui sont les mieux versés aux mathématiques ne l’ont pas jugée indigne de leur approbation. Néanmoins, pour ne pas paraître négligent à lui faire acquérir aussi la tienne, j’ai cru être obligé de t’éclairer sur toutes les difficultés que j’ai estimées capables de choquer ton sens lorsque tu prendras la peine de la considérer. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Fourberies_de_Scapin Les Fourberies de Scapin, Molière] === | |||
À vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient impossibles, quand je m’en veux mêler. J’ai sans doute reçu du Ciel un génie assez beau pour toutes les fabriques de ces gentillesses d’esprit, de ces galanteries ingénieuses à qui le vulgaire ignorant donne le nom de fourberies ; et je puis dire, sans vanité, qu’on n’a guère vu d’homme qui fût plus habile ouvrier de ressorts et d’intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi dans ce noble métier ; mais, ma foi ! le mérite est trop maltraité aujourd’hui, et j’ai renoncé à toutes choses depuis certain chagrin d’une affaire qui m’arriva. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Sur_le_livre_d’un_antitrinitaire_anglais Sur le livre d’un antitrinitaire anglais, Gottfried Wilhelm Leibniz] === | |||
Premièrement je demeure d’accord que le commandement du culte suprême d’un seul Dieu est le plus important de temps, et doit être considéré comme le plus inviolable. C’est pourquoi je ne crois pas qu’on doive admettre trois substances absolues, dont chacune soit infinie, toute-puissante, éternelle, souverainement parfaite. Il parait aussi que c’est une chose très dangereuse pour le moins de concevoir le Verbe et le Saint-Esprit comme deux substances intellectuelles inférieures au grand Dieu, et néanmoins dignes d’un culte qui approche du culte que les païens rendaient à leurs dieux, ou qui le surpasse plutôt. Ainsi je crois qu’on ne doit rendre des honneurs divins qu’à une seule substance individuelle, absolue, souveraine et infinie. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Maximes Maximes et Réflexions morales, François de La Rochefoucauld] === | |||
La raillerie est une gaieté agréable de l’esprit, qui enjoue la conversation, et qui lie la société si elle est obligeante, ou qui la trouble si elle ne l’est pas. Elle est plus pour celui qui la fait que pour celui qui la souffre. C’est toujours un combat de bel esprit, que produit la vanité ; d’où vient que ceux qui en manquent pour la soutenir, et ceux qu’un défaut reproché fait rougir, s’en offensent également, comme d’une défaite injurieuse qu’ils ne sauraient pardonner. C’est un poison qui tout pur éteint l’amitié et excite la haine, mais qui corrigé par l’agrément de l’esprit, et la flatterie de la louange, l’acquiert ou la conserve ; et il en faut user sobrement avec ses amis et avec les faibles. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/De_la_nature_humaine De la nature humaine, Thomas Hobbes] === | |||
Pour se faire une idée claire des éléments du droit naturel et de la politique, il est important de connaître la nature de l’homme, de savoir ce que c’est qu’un corps politique et ce que nous entendons par loi. Depuis l’Antiquité jusqu’à nous, les écrits multipliés qui ont paru sur ces objets n’ont fait qu’accroître les doutes et les disputes : mais la véritable science ne devant produire ni doutes ni disputes, il est évident que ceux qui jusqu’ici ont traité ces matières ne les ont point entendues. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Édit_de_Nantes Édit de Nantes, Henri IV] === | |||
Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et différends entre nos sujets, avons permis et permettons à ceux de ladite religion prétendue réformée vivre et demeurer par toutes les villes et lieux de cestui notre royaume et pays de notre obéissance, sans être enquis, vexés, molestés ni astreints à faire chose pour le fait de la religion contre leur conscience, ni pour raison d’icelle être recherchés dans les maisons et lieux où ils voudront habiter, en se comportant au reste selon qu’il est contenu en notre présent Édit. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Traité_de_la_mécanique Traité de la mécanique, René Descartes] === | |||
Et ce principe ne peut manquer d’être reçu si on considère que l’effet doit être toujours proportionné à l’action qui est nécessaire pour le produire ; de façon que, s’il est nécessaire d’employer l’action par laquelle on peut lever un poids de cent livres à la hauteur de deux pieds pour en lever un à la hauteur d’un pied seulement, celui-ci doit peser deux cents livres : car c’est le même de lever cent livres à la hauteur d’un pied, et derechef encore cent à la hauteur d’un pied, que d’en lever deux cents à la hauteur d’un pied, et le même aussi que d’en lever cent à la hauteur de deux pieds. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Voyage_dans_la_Lune_et_Histoire_comique_des_états_et_empires_du_Soleil Voyage dans la Lune et Histoire comique des états et empires du Soleil, Savinien de Cyrano de Bergerac] === | |||
Ils parurent fort surpris de ma rencontre ; car j’étais le premier, à ce que je pense, qu’ils eussent jamais vu habillé de bouteilles. Et pour renverser encore toutes les interprétations qu’ils auraient pu donner à cet équipage, ils voyaient qu’en marchant je ne touchais presque point à la terre : aussi ne savaient-ils pas qu’au moindre branle que je donnais à mon corps, l’ardeur des rayons de midi me soulevait avec ma rosée, et que sans que mes fioles n’étaient plus en assez grand nombre, j’eusse été possible à leur vue enlevé dans les airs. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Corneille_-_Œuvres_critiques Œuvres critiques, Pierre Corneille] === | |||
Il faut donc qu’une action, pour être d’une juste grandeur, ait un commencement, un milieu et une fin. Cinna conspire contre Auguste et rend compte de sa conspiration à Émilie, voilà le commencement ; Maxime en fait avertir Auguste, voilà le milieu ; Auguste lui pardonne, voilà la fin. Ainsi dans les comédies de ce premier volume, j’ai presque toujours établi deux amants en bonne intelligence ; je les ai brouillés ensemble par quelque fourbe, et les ai réunis par l’éclaircissement de cette même fourbe qui les séparait. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Nouvel_Organum/Livre_premier Nouvel Organum, Francis Bacon] === | |||
Il peut y avoir et il y a en effet deux voies ou méthodes pour découvrir la vérité. L’une, partant des sensations et des faits particuliers, s’élance du premier saut jusqu’aux principes les plus généraux ; puis se reposant sur ces principes comme sur autant de vérités inébranlables, elle en déduit les axiomes moyens ou les y rapporte pour les juger ; c’est celle-ci qu’on suit ordinairement. L’autre part aussi des sensations et des faits particuliers ; mais s’élevant avec lenteur par une marche graduelle et sans franchir aucun degré, elle n’arrive que bien tard aux propositions les plus générales ; cette dernière méthode est la véritable, mais personne ne l’a encore tentée. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Hagakure Hagakure, Tsunetomo Yamamoto] === | |||
Lorsque j’étais jeune, je tenais un « journal des regrets » dans lequel je mentionnais jour après jour mes erreurs. Mais il ne se passait jamais un seul jour sans que j’aie à l’ouvrir vingt ou trente fois. Et comme je finis par réaliser qu’il en serait toujours ainsi, je décidai de l’abandonner. Aujourd’hui encore, quand je médite, avant de m’endormir, sur la journée écoulée il n’y a pas un jour où je n’aie commis quelque bévue en parole ou en acte. Vivre sans commettre d’erreur est quasiment impossible mais « les intellectuels » ne sont pas prêts de l’admettre. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_de_Juliette,_ou_les_Prospérités_du_vice/Sixième_Partie Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice, Donatien Alphonse François de Sade] === | |||
On partit dès le lendemain ; les plus grande succès couronnèrent dix ans nos héros. Au bout de ce temps, la mort de Mme de Lorsange la fit disparaître de la scène du monde, comme s'évanouit ordinairement tout ce qui brille sur la terre ; et cette femme, unique en son genre, morte sans avoir écrit les derniers événements de sa vie, enlève absolument à tout écrivain la possibilité de la montrer au public. Ceux qui voudraient l'entreprendre ne le feraient qu'en nous offrant leurs rêveries pour des réalités, ce qui serait d'une étonnante différence aux yeux des gens de goût, et particulièrement de ceux qui ont pris quelque intérêt à la lecture de cet ouvrage. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Émile,_ou_De_l’éducation/Édition_1852/Livre_III Émile, ou De l’éducation, Jean-Jacques Rousseau] === | |||
D’où vient la faiblesse de l’homme ? De l’inégalité qui se trouve entre sa force et ses désirs. Ce sont nos passions qui nous rendent faibles, parce qu’il faudrait pour les contenter plus de forces que ne nous en donna la nature. Diminuez donc les désirs, c’est comme si vous augmentiez les forces : celui qui peut plus qu’il ne désire en a de reste ; il est certainement un être très fort. Voilà le troisième état de l’enfance, et celui dont j’ai maintenant à parler. Je continue à l’appeler enfance, faute de terme propre à l’exprimer ; car cet âge approche de l’adolescence, sans être encore celui de la puberté. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_sur_la_peine_de_mort_(Robespierre,_1791) Discours sur la peine de mort, Maximilien de Robespierre] === | |||
On a observé que dans les pays libres, les crimes étaient plus rares et les lois pénales plus douces. Toutes les idées se tiennent. Les pays libres sont ceux où les droits de l’homme sont respectés, et où, par conséquent, les lois sont justes. Partout où elles offensent l’humanité par un excès de rigueur, c’est une preuve que la dignité de l’homme n’y est pas connue, que celle du citoyen n’existe pas : c’est une preuve que le législateur n’est qu’un maître qui commande à des esclaves, et qui les châtie impitoyablement suivant sa fantaisie. Je conclus à ce que la peine de mort soit abrogée. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Histoire_de_Miss_Clarisse_Harlove/Lettre_1 Histoire de Miss Clarisse Harlove, Samuel Richardson] === | |||
Vous ne doutez pas, ma très chère amie, que je ne prenne un extrême intérêt aux troubles qui viennent de s’élever dans votre famille. Je sais combien vous devez vous trouver blessée de devenir le sujet des discours du public. Cependant il est impossible que, dans une aventure si éclatante, tout ce qui concerne une jeune personne sur qui ses qualités distinguées ont fixé l’attention générale, n’excite pas la curiosité et les réflexions de tout le monde : je brûle d’en apprendre les circonstances de vous-même, et celles de la conduite qu’on a tenue avec vous à l’occasion d’un accident que vous n’avez pu empêcher, et dans lequel, autant que j’ai pu m’en éclaircir, c’est l’agresseur qui se trouve maltraité. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Éloge_de_la_sincérité Éloge de la sincérité, Montesquieu] === | |||
Il n’y a que trop de Narcisses dans le monde, de ces gens amoureux d’eux-mêmes. Ils sont perdus s’ils trouvent dans leurs amis de la complaisance. Prévenus de leur mérite, remplis d’une idée qui leur est chère, ils passent leur vie à s’admirer. Que faudrait-il pour les guérir d’une folie qui semble incurable ? Il ne faudrait que les faire apercevoir du petit nombre de leurs rivaux; que leur faire sentir leurs faiblesses ; que mettre leurs vices dans le point de vue qu’il faut pour les faire voir, que se joindre à eux contre eux-mêmes, et leur parler dans la simplicité de la vérité. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Jeu_de_l’amour_et_du_hasard#Sc.C3.A8ne_VIII_2 Le Jeu de l’amour et du hasard, Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux] === | |||
Je frissonne encore de ce que je lui ai entendu dire ; avec quelle impudence les domestiques ne nous traitent-ils pas dans leur esprit ? Comme ces gens-là vous dégradent ! Je ne saurais m’en remettre, je n’oserais songer aux termes dont elle s’est servie, ils me font toujours peur. Il s’agit d’un valet : ah l’étrange chose ! Écartons l’idée dont cette insolente est venue me noircir l’imagination. Voici Bourguignon, voilà cet objet en question pour lequel je m’emporte ; mais ce n’est pas sa faute, le pauvre garçon et je ne dois pas m’en prendre à lui. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Déclaration_de_Louis_XVI_à_tous_les_Français,_à_sa_sortie_de_Paris Déclaration de Louis XVI à tous les Français, à sa sortie de Paris, Louix XVI] === | |||
Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants d'une ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à votre Roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami. Quel plaisir n'aura-t-il pas d'oublier toutes ses injures personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu'une Constitution qu'il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le gouvernement sera établi sur un pied stable et utile par son action, que les biens et l'état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Traité_élémentaire_de_chimie/Partie_1/Chapitre_13 Traité élémentaire de chimie, Antoine Laurent de Lavoisier] === | |||
Cette opération est une des plus frappantes et des plus extraordinaires de toutes celles que la Chimie nous présente, et nous avons à examiner d’où vient le gaz acide carbonique qui se dégage, d’où vient l’esprit inflammable qui se forme, et comment un corps doux, un oxyde végétal peut se transformer ainsi en deux substances si différentes, dont l’une est combustible, l’autre éminemment incombustible. On voit que pour arriver à la solution de ces deux questions, il fallait d’abord bien connaître l’analyse et la nature du corps susceptible de fermenter, et les produits de la fermentation ; car rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans celles de la nature, et l’on peut poser en principe que dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu’il n’y a que des changements, des modifications. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Critique_de_la_raison_pure/Introduction Critique de la raison pure, Emmanuel Kant] === | |||
Il n'est pas douteux que toutes nos connaissances ne commencent avec l'expérience ; car par quoi la faculté de connaître serait-elle appelée à s'exercer, si elle ne l'était point par des objets qui frappent nos sens et qui, d'un côté, produisent d'eux-mêmes des représentations, et, de l'autre, excitent notre activité intellectuelle à les comparer, à les unir ou à les séparer, et à mettre ainsi en œuvre la matière brute des impressions sensibles pour en former cette connaissance des objets qui s'appelle l'expérience ? Aucune connaissance ne précède donc en nous, dans le temps, l'expérience, et toutes commencent avec elle. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Théologie_portative,_ou_Dictionnaire_abrégé_de_la_religion_chrétienne Théologie portative, Paul Henri Thiry d’Holbach] === | |||
Substance inconnue, qui agit d'une façon inconnue sur notre corps que nous ne connaissons guère ; nous devons en conclure que l'âme est spirituelle. Or personne n'ignore ce que c'est que d'être spirituel. L'âme est la partie la plus noble de l'homme, attendu que c'est celle que nous connaissons le moins. Les animaux n'ont point d'âmes, ou n'en ont que de matérielles ; les prêtres et les moines ont des âmes spirituelles, mais quelques-uns d'entre eux ont la malice de ne point les montrer, ce qu'ils font, sans doute, par pure humilité. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Casse-Noisette_et_le_roi_des_souris Casse-Noisette et le roi des souris, Ernst Theodor Amadeus Hoffmann] === | |||
Au vingt-quatre décembre, la chambre du milieu et bien plus encore le salon qui y donnait furent formellement interdits aux enfants du médecin consultant Stahlbaum. Fritz et Marie se tenaient assis l’un près de l’autre dans un coin de la chambre du fond. Le crépuscule du soir était déjà descendu, et ils éprouvaient une certaine crainte en ne voyant pas apporter de la lumière comme cela se faisait d’habitude à cette heure du jour. Fritz raconta, en parlant bien bas à sa jeune sœur (elle était âgée de sept ans), qu’il avait entendu frapper et aller et venir dans la chambre fermée, et aussi qu’il n’y avait pas bien longtemps qu’un petit homme, tenant une cassette sous le bras, s’était glissé dans l’escalier. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Maximes_et_Réflexions_(Goethe,_trad._Sklower,_éd._WS)#Premi.C3.A8re_Partie. Maximes et Réflexions, Johann Wolfgang von Goethe] === | |||
Dans l’examen des productions de l’art, doit-on comparer ou non ? Nous pouvons répondre à cette question de la manière suivante : le véritable connaisseur doit comparer ; l’idéal est présent à son esprit ; il a saisi l’idée qui peut et doit être représentée ; l’amateur, qui n’en est encore qu’à former son jugement, fera plus de progrès si, s’abstenant de comparer, il étudie le mérite particulier de chaque ouvrage ; par là se forme peu-à-peu le sentiment et l’intelligence en général. Comparer, pour les non connaisseurs, est chose commode qui dispense de juger. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/L’Oiseau_blanc,_conte_bleu/1 L’Oiseau blanc, conte bleu, Denis Diderot] === | |||
La favorite se couchait de bonne heure, et s’endormait fort tard. Pour hâter le moment de son sommeil, on lui chatouillait la plante des pieds, et on lui faisait des contes ; et pour ménager l’imagination et la poitrine des conteurs, cette fonction était partagée entre quatre personnes, deux émirs et deux femmes. Ces quatre improvisateurs poursuivaient successivement le même récit aux ordres de la favorite. Sa tête était mollement posée sur son oreiller, ses membres étendus dans son lit, et ses pieds confiés à sa chatouilleuse, lorsqu’elle dit : « Commencez ; » et ce fut la première de ses femmes qui débuta par ce qui suit. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Robinson_Crusoé/8 Robinson Crusoé, Daniel Defoe] === | |||
En ces extrémités, le vent soufflait toujours avec violence, et à la pointe du jour un de nos hommes s’écria : « Terre ! ». À peine nous étions-nous précipités hors de la cabine, pour regarder dans l’espoir de reconnaître en quel endroit du monde nous étions, que notre navire donna contre un banc de sable : son mouvement étant ainsi subitement arrêté, la mer déferla sur lui d’une telle manière, que nous nous attendîmes tous à périr sur l’heure, et que nous nous réfugiâmes vers le gaillard d’arrière, pour nous mettre à l’abri de l’écume et des éclaboussures des vagues. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/La_Patrie_en_danger/Abolition_de_l'esclavage Discours sur l’abolition de l’esclavage, Georges Jacques Danton] === | |||
Représentants du peuple français, jusqu’ici nous n’avions décrété la liberté qu’en égoïstes et pour nous seuls. Mais aujourd’hui nous proclamons à la face de l’univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle. Hier, lorsque le président donna le baiser fraternel au député de couleur, je vis le moment où la Convention devait décréter la liberté de nos frères. La séance était trop nombreuse. La Convention vient de faire son devoir. Mais après avoir accordé le bienfait de la liberté, il faut que nous en soyons pour ainsi dire les modérateurs. Renvoyons au comité de salut public et des colonies, pour combiner les moyens de rendre ce décret utile à l’humanité, sans aucun danger pour elle. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Sur_l’instruction_publique Sur l’instruction publique, Nicolas de Condorcet] === | |||
Ainsi, par exemple, celui qui ne sait pas écrire, et qui ignore l’arithmétique, dépend réellement de l’homme plus instruit, auquel il est sans cesse obligé de recourir. Il n’est pas l’égal de ceux à qui l’éducation a donné ces connaissances ; il ne peut pas exercer les mêmes droits avec la même étendue et la même indépendance. Celui qui n’est pas instruit des premières lois qui règlent le droit de propriété ne jouit pas de ce droit de la même manière que celui qui les connaît ; dans les discussions qui s’élèvent entre eux, ils ne combattent point à armes égales. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Liaisons_dangereuses/Lettre_2 Les Liaisons dangereuses, Pierre Choderlos de Laclos] === | |||
Mme de Volanges marie sa fille : c’est encore un secret ; mais elle m’en a fait part hier. Et qui croyez-vous qu’elle ait choisi pour gendre ? Le Comte Gercourt. Qui m’aurait dit que je deviendrais la cousine de Gercourt ? J’en suis dans une fureur… Eh bien ! Vous ne devinez pas encore ? Oh ! L’esprit lourd ! Lui avez-vous donc pardonné l’aventure de l’Intendante ? Et moi, n’ai-je pas encore plus à me plaindre de lui, monstre que vous êtes ? Mais je m’apaise, et l’espoir de me venger rassérène mon âme. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Voyage_autour_du_monde_Ch_VIII Voyage autour du monde, Louis Antoine de Bougainville] === | |||
Il ne paraissait pas avoir plus de trente toises de diamètre et diminuait de grosseur en montant ; on l'eût pris de loin pour une pyramide d'une hauteur immense que la main d'un décorateur habile aurait parée de guirlandes de feuillages. Les terrains moins élevés sont entrecoupés de prairies et de bosquets, et dans toute l'étendue de la côte il règne, sur les bords de la mer, au pied du pays haut, une lisière de terre basse et unie, couverte de plantations. C'est là qu'au milieu des bananiers, des cocotiers et d'autres arbres chargés de fruits, nous apercevions les maisons des insulaires. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Lettres_à_Joséphine Lettres à Joséphine, Napoléon Bonaparte] === | |||
J'ai reçu ta lettre, bonne petite Joséphine. Je vois avec peine que tu as souffert de la route ; mais quelques jours de repos te feront du bien. Je suis assez bien portant. J'ai été hier à la chasse à Marly, et je m'y suis blessé très légèrement à un doigt en tirant un sanglier. Hortense se porte assez bien. Ton gros fils a été un peu malade, mais il va mieux. Je crois que ce soir ces dames jouent Le Barbier de Séville. Le temps est très beau. Je te prie de croire que rien n'est plus vrai que les sentiments que j'ai pour ma petite Joséphine. Tout à toi. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Mariage_de_Figaro Le Mariage de Figaro, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais] === | |||
Tu parles d’or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu’on est sot, en effet ! Il y a des mille, mille ans que le monde roule, et dans cet océan de durée, où j’ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j’irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois ! Tant pis pour qui s’en inquiète. Passer ainsi la vie à chamailler, c’est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves, qui ne reposent pas même quand ils s’arrêtent, et qui tirent toujours, quoiqu’ils cessent de marcher. Nous attendrons. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Mémoires_sur_l’électromagnétisme_et_l’électrodynamique/Premier_mémoire De l’action exercée sur un courant électrique par un autre courant, le globe terrestre ou un aimant, André-Marie Ampère] === | |||
Suivant le sens dans lequel on fait passer le courant dans une telle spirale, elle est en effet fortement attirée ou repoussée par le pôle d’un aimant qu’on lui présente de manière que la direction de son axe soit perpendiculaire au plan de la spirale, selon que les courants électriques de la spirale et du pôle de l’aimant sont dans le même sens ou en sens contraire. En remplaçant l’aimant par une autre spirale, dont le courant soit dans le même sens que le sien, on a les mêmes attractions et répulsions ; c’est ainsi que j’ai découvert que deux courants électriques s’attirent quand ils ont lieu dans le même sens, et se repoussent dans le cas contraire. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_préliminaire_de_l’Encyclopédie Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Discours préliminaire, Jean le Rond d’Alembert] === | |||
L’examen que nous faisons de l’étendue figurée nous présentant un grand nombre de combinaisons à faire, il est nécessaire d’inventer quelque moyen qui nous rende ces combinaisons plus faciles ; et comme elles consistent principalement dans le calcul et le rapport des différentes parties dont nous imaginons que les corps géométriques sont formés, cette recherche nous conduit bientôt à l’Arithmétique ou Science des nombres. Elle n’est autre chose que l’art de trouver d’une manière abrégée l’expression d’un rapport unique qui résulte de la comparaison de plusieurs autres. Les différentes manières de comparer ces rapports donnent les différentes règles de l’Arithmétique. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_lors_du_premier_Congrès_Universel_d’Espéranto Discours lors du premier Congrès Universel d’Espéranto, Ludwik Lejzer Zamenhof] === | |||
Je vous salue, chers amis, frères et sœurs de la grande famille humaine, qui êtes venus des pays proches ou lointains, des États les plus divers de la terre, pour vous serrer réciproquement la main comme des frères au nom de la grande idée qui nous unit tous. Je vous salue aussi, glorieux pays de France et belle ville de Boulogne-sur-Mer, qui avez bien voulu offrir l’hospitalité à notre Congrès. Je remercie aussi cordialement les personnes et les institutions de Paris, qui, à mon passage dans cette glorieuse cité, ont exprimé sous mon adresse leur sympathie pour la cause de l’Espéranto, notamment M. le Ministre de l’Instruction publique, la municipalité de Paris, la Ligue française de l’enseignement et beaucoup d’éminents savants. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Portrait_de_Dorian_Gray/II Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde] === | |||
Lord Henry le guettait, son mystérieux sourire aux lèvres. Il connaissait le moment psychologique du silence… Il se sentait vivement intéressé. Il s’étonnait de l’impression subite que ses paroles avaient produite ; se souvenant d’un livre qu’il avait lu quand il avait seize ans et qui lui avait révélé ce qu’il avait toujours ignoré, il s’émerveilla de voir Dorian Gray passer par une semblable expérience. Il avait simplement lancé une flèche en l’air. Avait-elle touché le but ?… Ce garçon était vraiment intéressant. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Un_musicien_étranger_à_Paris Un musicien étranger à Paris, Richard Wagner] === | |||
Il me reste maintenant à exécuter le testament. Je publierai dans les prochains numéros de cette gazette, sous le titre de Caprices esthétiques d’un musicien, les différentes parties du journal du défunt, pour lesquelles l’éditeur a promis de payer un prix élevé, par égard pour la destination respectable de cet argent. Les partitions qui composent le reste de sa succession sont à la disposition de MM. les directeurs d’Opéra, qui peuvent, pour cet objet, s’adresser, par lettres non affranchies, à l’exécuteur testamentaire. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Tour_du_monde_en_quatre-vingts_jours/Chapitre_37 Le Tour du monde en quatre-vingts jours, Jules Verne] === | |||
Phileas Fogg avait donc gagné les vingt mille livres. Mais comme il en avait dépensé en route environ dix-neuf mille, le résultat pécuniaire était médiocre. Toutefois, on l’a dit, l’excentrique gentleman n’avait, en ce pari, cherché que la lutte, non la fortune. Et même, les mille livres restant, il les partagea entre l’honnête Passepartout et le malheureux Fix, auquel il était incapable d’en vouloir. Seulement, et pour la régularité, il retint à son serviteur le prix des dix-neuf cent vingt heures de gaz dépensé par sa faute. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Guerre_et_Paix,_Première_Partie,_Chapitre_1 Guerre et Paix, Léon Tolstoï] === | |||
« Eh bien, prince, que vous disais-je ? Gênes et Lucques sont devenues les propriétés de la famille Bonaparte. Aussi, je vous le déclare d’avance, vous cesserez d’être mon ami, mon fidèle esclave, comme vous dites, si vous continuez à nier la guerre et si vous vous obstinez à défendre plus longtemps les horreurs et les atrocités commises par cet Antéchrist…, car c’est l’Antéchrist en personne, j’en suis sûre ! Allons, bonjour, cher prince ; je vois que je vous fais peur… asseyez-vous ici, et causons… » | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/L’Ancien_Régime_et_la_Révolution/Appendice L’Ancien Régime et la Révolution, Alexis de Tocqueville] === | |||
Le Languedoc était le plus vaste et le plus peuplé de tous les pays d'états ; il contenait plus de deux mille communes, ou, comme on disait alors, de communautés, et comptait près de deux millions d'habitants. Il était, de plus, le mieux ordonné et le plus prospère de tous ces pays, comme le plus grand. Le Languedoc est donc bien choisi pour faire voir ce que pouvait être la liberté provinciale sous l'ancien régime, et à quel point, dans les contrées mêmes où elle paraissait la plus forte, on l'avait subordonnée au pouvoir royal. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_sur_les_libertés_nécessaires Discours sur les libertés nécessaires, Adolphe Thiers] === | |||
De leur côté, les partisans de la monarchie ont voulu, eux aussi, n'être pas moins libres que les citoyens de la république, et quel moyen ont-ils imaginé ? C'est au lieu de faire porter l'effort de l'opinion publique sur le chef de l'État, de le faire porter sur les dépositaires de son autorité, d'établir le débat non pas avec le souverain, mais avec des ministres, de manière que, le souverain ne changeant pas, la permanence du pouvoir étant assurée, quelque chose changeât, la politique, et qu'ainsi s'accomplit ce beau phénomène du pays placé sous un monarque étranger à toutes les vicissitudes, du pays se gouvernant lui-même par sa propre pensée et pas sa propre opinion. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Salle_6 Salle 6, Anton Tchekhov] === | |||
Dans la cour de l’hôpital, perdue dans une véritable forêt de bardanes, d’orties et de chanvre sauvage, s’élève une petite annexe. Le toit en est rouillé, la cheminée à demi écroulée, l’herbe pousse sur les degrés pourris de l’entrée, et des crépissages il ne reste que des vestiges. La façade principale regarde l’hôpital, celle de derrière est tournée vers les champs, dont la sépare, grise et garnie de clous, la barrière de l’hôpital. Ces clous, aux pointes effilées, la barrière et l’annexe elle-même ont cet aspect spécial, triste et rébarbatif que l’on ne voit chez nous qu’aux hôpitaux et aux prisons. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/L’Île_au_trésor_(trad._Laurie)/Chapitre_34 L’Île au trésor, Robert Louis Stevenson] === | |||
Ben Gunn était de garde sur le pont. À peine nous eut-il vus qu’il entama toute une confession, avec les plus absurbes grimaces. Silver était parti, avec sa connivence, dans un canot du port. Il nous jurait maintenant n’avoir consenti à cette évasion que pour sauver nos vies, qui auraient été en grand péril si « l’homme à une jambe » était resté à bord. Mais il y avait encore autre chose. Le cuisinier n’était pas parti sans biscuit. En perçant une cloison, il avait réussi à prendre un sac d’or, contenant peut-être huit à dix mille guinées, et l’avait emporté pour subvenir à ses frais de voyage. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/L’Art_d’avoir_toujours_raison/Stratagème_XXIII L’Art d’avoir toujours raison, Arthur Schopenhauer] === | |||
La contradiction et la dispute incitent l’homme à l’exagération. Nous pouvons ainsi par la provocation inciter l’adversaire à aller au-delà des limites de son argumentation pour le réfuter et donner l’impression que nous avons réfuté l’argumentation elle même. De même, il faut faire attention à ne pas exagérer ses propres arguments sous l’effet de la contraction. L’adversaire cherchera souvent lui-même à exagérer nos arguments au-delà de leurs limites et il faut l’arrêter immédiatement pour le ramener dans les limites établies : « Voilà ce que j’ai dit, et rien de plus. » | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/La_Petite_Fadette La Petite Fadette, George Sand] === | |||
Mais la petite Fadette, tirant par une patte son sauteriot, qui avait réussi à la rattraper et à se pendre à son mauvais jupon tout cendroux, se mit à suivre Landry, toujours ricanant et toujours lui disant que sans elle il ne retrouverait jamais son besson. Si bien que Landry, ne pouvant se débarrasser d'elle, et s'imaginant que par quelque sorcellerie, sa grand’mère ou peut-être elle-même, par quelque accointance avec le follet de la rivière, l'empêcheraient de retrouver Sylvinet, prit son parti de tirer en sus de la Joncière et de s'en revenir à la maison. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_de_réception_à_l’Académie_française_(Rostand) Discours de réception à l’Académie Française, Edmond Rostand] === | |||
Messieurs, j’ai feuilleté ces vertes brochures sur lesquelles Minerve rejette son casque en arrière ; j’ai colligé les exordes de tous les récipiendaires passés ; et j’ai connu que si j’arrive à l’Académie trop tôt pour pouvoir abréger les humilités préliminaires, j’y arrive trop tard pour espérer trouver une façon originale d’être confus. Tout est dit… depuis plus de deux cent cinquante ans qu’il y a des académiciens, et qui sont modestes. Il sera entendu, si vous le voulez bien, que je suis ici parce qu’au moment où vous avez eu à remplacer l’auteur de la Fille de Roland, je me trouvais être, par le hasard d’un voyage, le poète le plus rapproché de Roncevaux. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Déclaration_de_Rimbaud_au_commissaire_de_police Déclaration de Rimbaud au commissaire de police, Arthur Rimbaud] === | |||
Depuis un an, j'habite Londres avec le sieur Verlaine. Nous faisions des correspondances pour les journaux et donnions des leçons de français. Sa société était devenue impossible, et j'avais manifesté le désir de retourner à Paris. Il y a quatre jours, il m'a quitté pour venir à Bruxelles et m'a envoyé un télégramme pour venir le rejoindre. Je suis arrivé depuis deux jours, et suis allé me loger avec lui et sa mère, rue des Brasseurs, n° 1. Je manifestais toujours le désir de retourner à Paris. Il me répondait : « Oui, pars, et tu verras ! » | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Poil_de_Carotte Poil de Carotte, Jules Renard] === | |||
Il dit bonsoir à tout le monde, allume une bougie, et gagne au fond du corridor, à droite, sa chambre nue et solitaire. Il se déshabille, se couche et attend la visite de madame Lepic. Elle le borde serré, d’un unique renfoncement, et souffle la bougie. Elle lui laisse la bougie et ne lui laisse point d’allumettes. Et elle l’enferme à clef parce qu’il est peureux. Poil de Carotte goûte d’abord le plaisir d’être seul. Il repasse sa journée, se félicite de l’avoir fréquemment échappé belle, et compte, pour demain, sur une chance égale. Il se flatte que, deux jours de suite, madame Lepic ne fera pas attention à lui, et il essaie de s’endormir avec ce rêve. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Qu’est_ce_que_la_propriété_?/I Qu’est-ce que la propriété ?, Pierre-Joseph Proudhon] === | |||
Si j’avais à répondre à la question suivante : Qu’est-ce que l’esclavage ? et que d’un seul mot je répondisse : c’est l’assassinat, ma pensée serait d’abord comprise. Je n’aurais pas besoin d’un long discours pour montrer que le pouvoir d’ôter à l’homme la pensée, la volonté, la personnalité, est un pouvoir de vie et de mort, et que faire un homme esclave, c’est l’assassinat. Pourquoi donc à cette autre demande : Qu’est-ce que la propriété ? ne puis-je répondre de même : c’est le vol, sans avoir la certitude de n’être pas entendu, bien que cette seconde proposition ne soit que la première transformée ? | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Mémoire_sur_la_fermentation_appelée_lactique Mémoire sur la fermentation appelée lactique, Louis Pasteur] === | |||
Je crois devoir indiquer en quelques mots comment j'ai été conduit à m'occuper de recherches sur les fermentations. Ayant appliqué jusqu'à présent tous mes efforts à essayer de découvrir les liens qui existent entre les propriétés chimiques, optiques et cristallographiques de certains corps dans le but d'éclairer leur constitution moléculaire, on s'étonnera peut-être de me voir aborder un sujet de chimie physiologique bien éloigné en apparence de mes premiers travaux. Il s'y rattache néanmoins très directement. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Ainsi_parlait_Zarathoustra/Première_partie/Le_prologue_de_Zarathoustra Ainsi parlait Zarathoustra, Friedrich Nietzsche] === | |||
Ici finit le premier discours de Zarathoustra, celui que l’on appelle aussi « le prologue » : car en cet endroit il fut interrompu par les cris et la joie de la foule. « Donne-nous ce dernier homme, ô Zarathoustra, — s’écriaient-ils — rends-nous semblables à ces derniers hommes ! Nous te tiendrons quitte du Surhumain ! » Et tout le peuple jubilait et claquait de la langue. Zarathoustra cependant devint triste et dit à son cœur : « Ils ne me comprennent pas : je ne suis pas la bouche qu’il faut à ces oreilles. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Pandora Pandora, Gérard de Nerval] === | |||
Je l'accompagnai chez son marchand de musique ; et, pendant qu'elle feuilletait des albums, je vis accourir le vieux marquis en uniforme de magyar, mais sans bonnet, qui s'écriait : « Quelle imprudence ! les deux étourdis vont se tuer pour l'amour de vous ! » Je brisai cette conversation ridicule, en faisant avancer un fiacre. La Pandora donna l'ordre de toucher Dorothée-Gasse, chez sa modiste. Elle y resta enfermée une heure, puis elle dit en sortant : « Je ne suis entourée que de maladroits. — Et moi ? observai-je humblement. — Oh ! vous, vous avez le numéro un. — Merci ! répliquai-je. » | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Il_faut_qu'une_porte_soit_ouverte_ou_fermée Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, Alfred de Musset] === | |||
Il est vrai que c’est aujourd’hui mon jour, et je ne sais trop pourquoi j’en ai un. C’est une mode qui a pourtant sa raison. Nos mères laissaient leur porte ouverte ; la bonne compagnie n’était pas nombreuse, et se bornait, pour chaque cercle, à une fournée d’ennuyeux qu’on supportait à la rigueur. Nous sommes tombés dans la société ; dès qu’on reçoit, on reçoit tout Paris, et tout Paris, au temps où nous sommes, c’est bien réellement Paris tout entier, ville et faubourgs. Quand on est chez soi, on est dans la rue. Il fallait bien trouver un remède ; de là vient que chacun a son jour. C’est le seul moyen de se voir le moins possible, et quand on dit : Je suis chez moi le mardi, il est clair que c’est comme si on disait : Le reste du temps, laissez-moi tranquille. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/La_Partie_de_Trictrac La Partie de trictrac, Prosper Mérimée] === | |||
Six semaines après cette malheureuse partie de trictrac, Roger trouva chez Gabrielle un billet écrit par un aspirant qui paraissait la remercier de bontés qu’elle avait eues pour lui, Gabrielle était le désordre en personne, et le billet en question avait été laissé par elle sur sa cheminée. Je ne sais si elle avait été infidèle, mais Roger le crût, et sa colère fut épouvantable. Son amour et un reste d’orgueil étaient les seuls sentiments qui pussent encore l’attacher à la vie, et le plus fort de ses sentiments allait être ainsi soudainement détruit. Il accabla d’injures l’orgueilleuse comédienne ; et, violent comme il était, je ne sais comment il se fit qu’il ne la battît pas. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Recherches_sur_des_hybrides_végétaux/2 Recherches sur des hybrides végétaux, Gregor Mendel] === | |||
Des adultérations par pollen étranger, si elles se produisaient au cours des recherches et n’étaient pas reconnues, pourraient conduire à des conclusions tout à fait fausses. Une diminution de fécondité ou une stérilité complète de certaines formes, comme on en rencontre dans la descendance de beaucoup d’hybrides, rendraient les recherches très difficiles ou les feraient complètement échouer. Pour que l’on puisse connaître les rapports qui unissent les formes hybrides entre elles et avec leurs espèces souches, il paraît indispensable que tous les individus de chaque génération soient soumis à l’observation. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Manifeste_du_parti_communiste Manifeste du parti communiste, Karl Marx et Friedrich Engels] === | |||
La grande industrie a créé le marché mondial, préparé par la découverte de l’Amérique. Le marché mondial accéléra prodigieusement le développement du commerce, de la navigation, des voies de communication terrestres. Ce développement réagit à son tour sur l’extension de l’industrie ; et, au fur et à mesure que l’industrie, le commerce, la navigation, les chemins de fer se développaient, la bourgeoisie grandissait, décuplant ses capitaux et refoulant à l’arrière-plan les classes léguées par le moyen âge. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Graziella_-_2._Épisode Graziella, Alphonse de Lamartine] === | |||
Surprise au milieu de son sommeil par la voix de son frère, Graziella n’avait eu ni la pensée ni le temps de s’arranger une toilette de nuit. Elle s’était élancée pieds nus à la fenêtre, dans le désordre où elle dormait sur son lit. De ses longs cheveux noirs, la moitié tombait sur une de ses joues ; l’autre moitié se tordait autour de son cou, puis, emportée de l’autre côté de son épaule par le vent qui soufflait avec force, frappait le volet entrouvert et revenait lui fouetter le visage comme l’aile d’un corbeau battue du vent. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Livre_de_la_jungle/La_chasse_de_Kaa Le Livre de la jungle, Rudyard Kipling] === | |||
En ces jours-là, Baloo lui enseignait la Loi de la Jungle. Le grand Ours brun, vieux et grave, se réjouissait d'un élève à l'intelligence si prompte ; car les jeunes loups ne veulent apprendre de la Loi de la Jungle que ce qui concerne leur Clan et leur tribu, et décampent dès qu'ils peuvent répéter le refrain de chasse : « Pieds qui ne font pas de bruit ; yeux qui voient dans l'ombre ; oreilles tendues au vent, du fond des cavernes, et dents blanches pour mordre : qui porte ces signes est de nos frères, sauf Tabaqui le Chacal et l'Hyène, que nous haïssons. » Mais Mowgli, comme petit d'homme, en dut apprendre bien plus long. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_à_la_jeunesse Discours à la jeunesse au Lycée d’Albi, Jean Jaurès] === | |||
Ah ! vraiment, comme notre conception de la vie est pauvre, comme notre science de vivre est courte, si nous croyons que, la guerre abolie, les occasions manqueront aux hommes d’exercer et d’éprouver leur courage, et qu’il faut prolonger les roulements de tambour qui dans les lycées du premier Empire faisaient sauter les cœurs ! Ils sonnaient alors un son héroïque ; dans notre vingtième siècle, ils sonneraient creux. Et vous, jeunes gens, vous voulez que votre vie soit vivante, sincère et pleine. C’est pourquoi je vous ai dit, comme à des hommes, quelques-unes des choses que je portais en moi. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/La_Vierge_au_Manneken-Pis La Vierge au Manneken-Pis, Alfred Jarry] === | |||
Mon œuvre consiste, mon cher élève, à transformer, par une canalisation ingénieuse, toutes les statues de la Vierge à L'Enfant en « Vierges au Manneken-Pis ». On met le gaz dans les églises. Pourquoi pas l'eau ? Un bénitier recevra le trop-plein et un tronc les aumônes des fidèles. La statuaire moderne et perfectionnée de Saint-Sulpice donnera, si les ressources de l'œuvre prospèrent, au divin Enfant une attitude plus propre à faire illusion : sa mère le tiendra accroupi loin du sol, comme font les bonnes nourrices. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Raiponce Raiponce, Jacob et Wilhelm Grimm] === | |||
Lorsque le crépuscule fut arrivé, il escalada le mur du jardin de la magicienne, cueillit rapidement une pleine poignée de raiponces et les rapporta à son épouse. Elle s’en fit aussitôt une salade et la mangea d’un coup avidement. Elles lui plurent tant que le jour suivant, elle en eut encore trois fois plus envie. Pour la calmer, l’homme dut encore une fois escalader le mur du jardin. Il le fit à nouveau au crépuscule. Mais tandis qu’il grimpait au mur il fut brusquement effrayé car il aperçut la magicienne qui se tenait devant lui. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/La_Fille_Élisa La Fille Élisa, Edmond de Goncourt] === | |||
Le monde de l’audience était confondu. Des robes de femmes se détachaient lumineusement claires sur des groupes sombres de stagiaires. Au fond, la silhouette rouge de l’avocat général se promenait, bras dessus, bras dessous, avec la silhouette noire de l’avocat de l’accusée. Un sergent de ville se trouvait assis sur le siège du greffier. Mais cette confusion, cette mêlée, ce désordre, ne faisaient pas de bruit, n’avaient, pour ainsi dire, pas de paroles, et un silence étrange et un peu effrayant planait sur le remuement muet de l’entracte. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Chevalier_Gluck Le Chevalier Gluck, Ernst Theodor Amadeus Hoffmann] === | |||
Il se leva et me toisa d'un regard sévère et pénétrant, et au moment où je me disposais à répéter ma question, il avait disparu avec la lumière, me laissant dans l'obscurité la plus complète. J'étais seul déjà depuis un quart d'heure, je désespérais de le revoir, et je cherchais, en m'orientant sur la position du piano, à gagner la porte, lorsqu'il reparut tout-à-coup avec la lumière : il portait un riche habit à la française, chargé de broderies, une belle veste de satin, et une épée pendait à son côté. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Avatar/1 Avatar, Théophile Gautier] === | |||
Personne ne pouvait rien comprendre à la maladie qui minait lentement Octave de Saville. Il ne gardait pas le lit et menait son train de vie ordinaire ; jamais une plainte ne sortait de ses lèvres, et cependant il dépérissait à vue d’œil. Interrogé par les médecins que le forçait à consulter la sollicitude de ses parents et de ses amis, il n’accusait aucune souffrance précise, et la science ne découvrait en lui nul symptôme alarmant : sa poitrine auscultée rendait un son favorable, et à peine si l’oreille appliquée sur son cœur y surprenait quelque battement trop lent ou trop précipité ; il ne toussait pas, n’avait pas la fièvre, mais la vie se retirait de lui et fuyait par une de ces fentes invisibles dont l’homme est plein au dire de Térence. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/L’Œuf_rouge L’Œuf rouge, Anatole France] === | |||
On parle de suggestion. C’en est là de la plus naturelle et de la plus croyable. Je me méfie un peu, malgré tout, de celle qui est préparée dans les cliniques. Mais qu’un être chez qui la volonté est morte obéisse à toutes les excitations extérieures, c’est une vérité que la raison admet et que démontre l’expérience. L’exemple que vous en apportez m’en rappelle un autre assez analogue. C’est celui de mon malheureux camarade Alexandre Le Mansel. Un vers de Sophocle tua votre héroïne. Une phrase de Lampride perdit l’ami dont je veux vous parler. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Démonstration_physique_du_mouvement_de_rotation_de_la_Terre_au_moyen_du_pendule Démonstration physique du mouvement de rotation de la Terre au moyen du pendule, Léon Foucault] === | |||
Je dois à l’obligeance de M. Arago et au zèle intelligent de notre habile constructeur, M. Froment, qui m’a si activement secondé dans l’exécution de ce travail, d’avoir pu déjà reproduire l’expérience sur une plus grande échelle. Profitant de la hauteur de la salle de la méridienne à l’Observatoire, j’ai pu donner au fil du pendule une longueur de 11 mètres. L’oscillation est devenue à la fois plus lente et plus étendue, en sorte qu’entre deux retours consécutifs du pendule, au point de repère, on constate manifestement une déviation sensible sur la gauche. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/De_l’égalité_d’éducation De l’égalité d’éducation, Jules Ferry] === | |||
L’égalité, messieurs, c’est la loi même du progrès humain ! c’est plus qu’une théorie : c’est un fait social, c’est l’essence même et la légitimité de la société à laquelle nous appartenons. En effet, la société moderne, aussi bien que la société ancienne, est la démonstration vivante et quotidienne de cette vérité, qui devient de nos jours de plus en plus visible : à savoir que la société humaine n’a qu’un but, qu’une loi de développement, qu’une fin dernière : atténuer de plus en plus, à travers les âges, les inégalités primitives données par la nature. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Frères_Karamazov/Livre_I Les Frères Karamazov, Fédor Dostoïevski] === | |||
C’était vers la fin du mois d’août, par une belle matinée claire et chaude. La réunion de la famille Karamazov chez le starets Zossima devait avoir lieu à onze heures et demie. On avait eu recours, en désespoir de cause, à cette assemblée d’un conseil de famille, sous le patronage du vénérable vieillard, pour trancher les différends survenus entre Fédor Pavlovitch Karamazov et son fils aîné Dmitri Fédorovitch. La situation entre le père et le fils était extrêmement tendue. Dmitri Fédorovitch réclamait l’héritage de sa mère, et Fédor Pavlovitch prétendait avoir donné à son fils tout ce qui lui était dû. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/L’Origine_des_espèces/Chapitre_I L’Origine des espèces, Charles Darwin] === | |||
Les lois diverses, absolument ignorées ou imparfaitement comprises, qui régissent la variation, ont des effets extrêmement complexes. Il est intéressant d’étudier les différents traités relatifs à quelques-unes de nos plantes cultivées depuis fort longtemps, telles que la jacinthe, la pomme de terre ou même le dahlia, etc. ; on est réellement étonné de voir par quels innombrables points de conformation et de constitution les variétés et les sous-variétés diffèrent légèrement les unes des autres. Leur organisation tout entière semble être devenue plastique et s’écarter légèrement de celle du type originel. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Notes_sur_le_foot-ball Notes sur le foot-ball, Pierre de Coubertin] === | |||
Si les Français savaient le rôle de l’intelligence et de la volonté, la part de l’esprit et du caractère dans la plupart des sports, – et dans celui-ci en particulier, – avec quel entrain ils y pousseraient leurs enfants ! Mais le Français est un grand sceptique : saint Thomas est son patron. Il faut qu’il touche du doigt… On ne peut pourtant pas rendre le foot-ball obligatoire pour tous les hommes valides à partir de 30 ans, afin de leur en faire mieux apprécier les bienfaits ! Alors, il faut attendre que les joueurs d’aujourd’hui deviennent pères à leur tour ! C’est long, mais sûr. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Typhon Typhon, Joseph Conrad] === | |||
Tout au plus pouvait-on parler parfois de son apparente timidité ; cela venait de ce que, à terre, il avait l’habitude, assis dans les bureaux maritimes, de rester les regards baissés et vaguement souriant. S’il relevait les yeux on remarquait que ces yeux étaient bleus et que leur regard était droit. Des cheveux blonds et extrêmement fins encerclaient d’un duvet soyeux le dôme chauve de son crâne, d’une tempe à l’autre. Sur sa face hâlée, par contre, le poil roux et flamboyant semblait une poussée de fils de cuivre coupés au ras de la lèvre ; sur le plat des joues et d’aussi près qu’il se rasât, des lueurs de métal et de feu passaient dès qu’il tournait la tête. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Discours_sur_l’esprit_positif Discours sur l’esprit positif, Auguste Comte] === | |||
Malgré la haute importance des divers motifs précédents, des considérations encore plus puissantes détermineront surtout les intelligences populaires à seconder aujourd’hui l’action philosophique de l’école positive par leur ardeur continue pour l’universelle propagation des études réelles elles se rapportent aux principaux besoins collectifs propres à la condition sociale des prolétaires. On peut les résumer en cet aperçu général : il n’a pu exister jusqu’ici une politique spécialement populaire, et la nouvelle philosophie peut seule la constituer. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Natchez/Livre_1 Les Natchez, François-René de Chateaubriand] === | |||
Une jeune fille parut à l’entrée de la cabane. Sa taille haute, fine et délice, tenait à la fois de l’élégance du palmier et de la faiblesse du roseau. Quelque chose de souffrant et de rêveur se mêlait à ses grâces presque divines. Les Indiens, pour peindre la tristesse et la beauté de Céluta, disaient qu’elle avait le regard de la Nuit et le sourire de l’Aurore. Ce n’était point encore une femme malheureuse, mais une femme destinée à le devenir. On aurait été tenté de presser cette admirable créature dans ses bras, si l’on n’eût craint de sentir palpiter un cœur dévoué d’avance aux chagrins de la vie. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Lettre_à_M._Dacier_relative_à_l'alphabet_des_hiéroglyphes_phonétiques, Lettre à M. Dacier relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques, Jean-François Champollion] === | |||
Une comparaison préliminaire nous avait aussi fait reconnaître que, dans l’écriture démotique, ces deux mêmes noms écrits phonétiquement employaient plusieurs caractères tout-à-fait semblables. L’analogie des trois écritures égyptiennes dans leur marche générale, devait nous faire espérer la même rencontre et les mêmes rapports dans ces mêmes noms écrits hiéroglyphiquement : c’est ce qu’a aussitôt confirmé la simple comparaison du cartouche hiéroglyphique renfermant le nom de Ptolémée avec celui de l’obélisque de Philæ, que nous considérions, d’après l’inscription grecque, comme contenant le nom de Cléopâtre. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Alice_au_pays_des_merveilles Alice au pays des merveilles, Lewis Carroll] === | |||
Alice ne s’était pas fait le moindre mal. Vite elle se remet sur ses pieds et regarde en l’air ; mais tout est noir là-haut. Elle voit devant elle un long passage et le Lapin Blanc qui court à toutes jambes. Il n’y a pas un instant à perdre ; Alice part comme le vent et arrive tout juste à temps pour entendre le Lapin dire, tandis qu’il tourne le coin : « Par ma moustache et mes oreilles, comme il se fait tard ! ». Elle n’en était plus qu’à deux pas : mais le coin tourné, le Lapin avait disparu. Elle se trouva alors dans une salle longue et basse, éclairée par une rangée de lampes pendues au plafond. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Les_Hauts_de_Hurlevent_(trad._Delebecque)/Chapitre_1 Les Hauts de Hurlevent, Emily Brontë] === | |||
Avant de franchir le seuil, je me suis arrêté pour admirer une quantité de sculptures grotesques prodiguées sur la façade, spécialement autour de la porte principale. Au-dessus de celle-ci, et au milieu d’une nuée de griffons délabrés et de bambins éhontés, j’ai découvert la date « 1500 » et le nom « Hareton Earnshaw ». J’aurais bien fait quelques commentaires et demandé au revêche propriétaire une histoire succincte du domaine ; mais son attitude à la porte semblait exiger de moi une entrée rapide ou un départ définitif, et je ne voulais pas aggraver son impatience avant d’avoir inspecté l’intérieur. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Chemin_de_fer_et_cimetière Chemin de fer et cimetière, Bjørnstjerne Bjørnson] === | |||
Dans la maison d’Aakre, sa femme l’attendait. Elle savait que le conflit était inévitable ; jamais elle n’avait eu confiance en Lars et, maintenant, elle avait positivement peur de lui. Quand Lars et son mari étaient partis ensemble le matin, elle ne s’était point sentie rassurée : fussent-ils rentrés ensemble, assis à côté l’un de l’autre, elle ne l’aurait pas été davantage. Mais l’obscurité s’était faite, et ils n’étaient point revenus. Elle se tenait sur le pas de la porte, regardant fixement la route, et rien n’apparaissait. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Épisode_de_la_vie_d’un_artiste Épisode de la vie d’un artiste, Hector Berlioz] === | |||
L’auteur suppose qu’un jeune musicien, affecté de cette maladie morale qu’un écrivain célèbre appelle le vague des passions, voit pour la première fois une femme qui réunit tous les charmes de l’être idéal que rêvait son imagination, et en devient éperdûment épris. Par une singulière bizarrerie, l’image chérie ne se présente jamais à l’esprit de l’artiste que liée à une pensée musicale, dans laquelle il trouve un certain caractère passionné, mais noble et timide comme celui qu’il prête à l’objet aimé. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Père_Goriot/II Le Père Goriot, Honoré de Balzac] === | |||
Vers la fin de cette première semaine du mois de décembre, Rastignac reçut deux lettres, l’une de sa mère, l’autre de sa sœur aînée. Ces écritures si connues le firent à la fois palpiter d’aise et trembler de terreur. Ces deux frêles papiers contenaient un arrêt de vie ou de mort sur ses espérances. S’il concevait quelque terreur en se rappelant la détresse de ses parents, il avait trop bien éprouvé leur prédilection pour ne pas craindre d’avoir aspiré leurs dernières gouttes de sang. La lettre de sa mère était ainsi conçue. | |||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Emma/III Emma, Jane Austen] === | === [http://fr.wikisource.org/wiki/Emma/III Emma, Jane Austen] === | ||
Ligne 56 : | Ligne 412 : | ||
Au milieu des grandes montagnes assombries, le village s’allongeait démesurément. Près du rempart devenu vert s’élevaient deux vieux chênes. Plus bas, quelques toits rouges, le long de la route des maisons de bois pourri, en lignes zigzagantes, désordonnées… Les fenêtres obliques se regardaient méchamment, avec méfiance. Les toits enfumés avaient glissé de travers sous la pression de la « bora », comme le chapeau des gens ivres. Des petits nuages montaient des cheminées. Un chaud parfum de pain sortait de la maison du sonneur. « Peut-être bien qu’ils se préparent à une noce ! » pensa Jella. L’eau lui vint à la bouche. Affamée, elle continua son chemin. | Au milieu des grandes montagnes assombries, le village s’allongeait démesurément. Près du rempart devenu vert s’élevaient deux vieux chênes. Plus bas, quelques toits rouges, le long de la route des maisons de bois pourri, en lignes zigzagantes, désordonnées… Les fenêtres obliques se regardaient méchamment, avec méfiance. Les toits enfumés avaient glissé de travers sous la pression de la « bora », comme le chapeau des gens ivres. Des petits nuages montaient des cheminées. Un chaud parfum de pain sortait de la maison du sonneur. « Peut-être bien qu’ils se préparent à une noce ! » pensa Jella. L’eau lui vint à la bouche. Affamée, elle continua son chemin. | ||
=== [http://fr.wikisource.org/wiki/Quo_vadis/Chapitre_I | === [http://fr.wikisource.org/wiki/Quo_vadis/Chapitre_I Quo Vadis, Henryk Sienkiewicz] === | ||
Pétrone se réveilla seulement vers midi, et très las, comme de coutume. La veille, il avait été convive de Néron, et le festin s’était prolongé fort avant dans la nuit. Depuis quelque temps, sa santé commençait à s’altérer. Il avouait se réveiller le matin tout engourdi et incapable de rassembler ses idées. Mais le bain matinal et un soigneux massage opéré par d’habiles esclaves stimulaient la circulation de son sang paresseux, achevaient de le réveiller, lui rendaient ses forces, si bien que de l’oleotechium, c’est-à-dire du dernier compartiment de la salle de bains, il sortait comme rajeuni, les yeux pétillants d’esprit et de gaieté, élégant, et tellement supérieur qu’Othon lui-même n’eût pu rivaliser avec lui. C’était bien là celui qu’on appelait l’arbiter elegantiarum. | Pétrone se réveilla seulement vers midi, et très las, comme de coutume. La veille, il avait été convive de Néron, et le festin s’était prolongé fort avant dans la nuit. Depuis quelque temps, sa santé commençait à s’altérer. Il avouait se réveiller le matin tout engourdi et incapable de rassembler ses idées. Mais le bain matinal et un soigneux massage opéré par d’habiles esclaves stimulaient la circulation de son sang paresseux, achevaient de le réveiller, lui rendaient ses forces, si bien que de l’oleotechium, c’est-à-dire du dernier compartiment de la salle de bains, il sortait comme rajeuni, les yeux pétillants d’esprit et de gaieté, élégant, et tellement supérieur qu’Othon lui-même n’eût pu rivaliser avec lui. C’était bien là celui qu’on appelait l’arbiter elegantiarum. |
Dernière version du 20 juin 2011 à 13:04
Cette page sert à mettre des textes pour pouvoir faire un recueil d’exercices pour les logiciels de dactylographie. Mon but est de mettre un texte par jour. Tout le monde est invité à y contribuer. Je fixe les contraintes suivantes (il faut bien qu’on s’en fixe, et c’est arbitraire, il y a une page de discussion si ça ne vous va pas) :
- Un seul paragraphe, d’une longueur entre 500 et 1000 caractères
- typographie française, apostrophe typographique, espaces insécables (libre ensuite de faire un traitement automatique pour changer tout ça, style dactylotest)
- Licence compatible CC-By-SA, et on indique la source dans le titre.
Je propose par exemple de prendre des textes de Wikisource, ça participe alors à notre culture générale… Mais tous textes sont les bienvenus, en particulier ceux qui ont des nombres en chiffres (dates et autres, ça manque un peu sur les textes de wikisource). Par contre je compte faire une séparation entre textes « littéraires » et textes conçus pour l’occasion spécifiquement à cette page (je sais que certains avaient commencé pour le dactylotest).
Lettre aux habitants de Riom, Jeanne d’Arc
Chers et bons amis, vous savez bien comment la ville de Saint-Pierre-le-Moûtier a été prise d’assaut ; et avec l’aide de Dieu j’ai l’intention de faire vider les autres places qui sont contraires au roi. Mais pour ce, de grandes dépenses de poudre, traits et autres habillements de guerre ont été faites devant la dite ville et modestement les seigneurs qui sont en cette ville et moi-même en sommes pourvus pour aller mettre le siège devant La Charité-sur-Loire, où nous allons prestement. Je vous prie parce que vous aimez le bien et l’honneur du roi. Et aussi vous voudrez bien aider pour ledit siège et ainsi envoyer rapidement de la poudre, du salpêtre, du soufre, des traits, des arbalètes fortes et d’autres habillements de guerre. Faute de poudre et habillements de guerre, faites que la chose ne soit pas longue et qu’on ne puisse dire que vous êtes négligents ou refusants. Chers et bons amis, que notre sire soit protégé par vous.
Beaucoup de bruit pour rien, William Shakespeare
J’aimerais mieux être la chenille de la haie qu’une rose par ses bienfaits. Le dédain général convient mieux à mon humeur que le soin de me composer un extérieur propre à ravir l’amour de qui que ce soit. Si l’on ne peut me nommer un flatteur honnête homme, du moins on ne peut nier que je ne sois un franc ennemi. Oui, l’on se fie à moi en me muselant, ou l’on m’affranchit en me donnant des entraves. Aussi, j’ai résolu de ne point chanter dans ma cage. Si j’avais la bouche libre, je voudrais mordre ; si j’étais libre, je voudrais agir à mon gré : en attendant, laisse-moi être ce que je suis ; ne cherche point à me changer.
L’Utopie, Thomas More
Les Utopiens ont la guerre en abomination, comme une chose brutalement animale, et que l’homme néanmoins commet plus fréquemment qu’aucune espèce de bête féroce. Contrairement aux mœurs de presque toutes les nations, rien de si honteux, en Utopie, que de chercher la gloire sur les champs de bataille. Ce n’est pas à dire pour cela qu’ils ne s’exercent avec beaucoup d’assiduité à la discipline militaire ; les femmes elles-mêmes y sont obligées, aussi bien que les hommes ; certains jours sont fixés pour les exercices, afin que personne ne se trouve inhabile au combat quand le moment de combattre est venu.
Essais, Michel Montaigne
La tristesse est une disposition d’esprit dont je suis à peu près exempt ; je ne l’aime, ni ne l’estime ; bien qu’assez généralement, comme de parti pris, on l’ait en certaine considération et qu’on en pare la sagesse, la vertu, la conscience, c’est un sot et vilain ornement. Les Italiens ont, avec plus d’à propos, appelé de ce nom la méchanceté, car elle est toujours nuisible, toujours insensée ; toujours aussi, elle est le propre d’une âme poltronne et basse ; les stoïciens l’interdisent au sage.
Le Prince, Nicolas Machiavel
Vous ne trouverez dans cet ouvrage, ni un style brillant et pompeux, ni aucun de ces ornements dont les auteurs cherchent à embellir leurs écrits. Si cette œuvre vous est agréable, ce sera uniquement par la gravité et la matière du sujet. Il ne faut pas que l’on m’impute à présomption, moi un homme de basse condition, d’oser donner des règles de conduite à ceux qui gouvernent. Mais comme ceux qui ont à considérer des montagnes se placent dans la plaine, et sur des lieux élevés lorsqu’ils veulent considérer une plaine, de même, je pense qu’il faut être prince pour bien connaître la nature et le caractère du peuple, et être du peuple pour bien connaître les princes.
Éloge de la Folie, Érasme
Il m’a pris fantaisie de faire aujourd’hui la sophiste, non pas à l’instar de ces pédants qui, à notre époque, bourrent de balivernes la tête des malheureux enfants, et les rendent plus opiniâtres que des femmes dans la discussion. Non, je veux imiter ces anciens qui, pour éviter le discrédit qui s’attachait de leur temps au nom de sage, prirent celui de sophiste. Leur principale affaire était de célébrer dans des éloges les dieux et les grands hommes. C’est aussi un éloge que je vais vous donner, mais ce ne sera ni celui d’Hercule, ni celui de Solon ; ce sera le mien propre, l’éloge de la Folie.
Discours de la servitude volontaire, Étienne de la Boétie
Je ne veux pas débattre ici la question tant de fois agitée, à savoir « si d’autres sortes de républiques sont meilleures que la monarchie ». Si j’avais à la débattre, avant de chercher quel rang la monarchie doit occuper parmi les divers modes de gouverner la chose publique, je demanderais si l’on doit même lui en accorder aucun, car il est difficile de croire qu’il y ait rien de public dans ce gouvernement où tout est à un seul. Mais réservons pour un autre temps cette question qui mériterait bien un traité à part, et qui provoquerait toutes les disputes politiques.
Lettre sur la découverte du Nouveau-Monde, Christophe Colomb
Comme je sais que cela doit vous être agréable, j’ai résolu d’écrire le récit de la conquête, afin que vous connaissiez les détails de notre voyage, de nos exploits et de nos découvertes. Trente-trois jours après avoir quitté Cadix, je suis entré dans la mer des Indes où j’ai trouvé plusieurs îles remplies d’habitants. Après y avoir fait faire une proclamation solennelle, et y avoir déployé nos drapeaux, j’en ai pris possession au nom de notre roi très-heureux sans que personne ne s’y soit opposé. J’ai donné à la première de ces îles le nom de Saint-Sauveur (San Salvador), en reconnaissance du secours que le Sauveur m’avait fourni, tant pour cette île que pour les autres où nous sommes entrés. Les Indiens appellent cette première Guanahani.
Réponse de M. Racine aux discours de MM. Thomas Corneille et Bergeret, Jean Racine
Heureux ceux qui, comme vous, Messieurs, ont l’honneur d’approcher de près ce grand Prince, et qui, après l’avoir contemplé avec le reste du monde dans ces importantes occasions où il fait le destin de toute la terre, peuvent encore le contempler dans son particulier et l’étudier dans les moindres actions de sa vie, non moins grand, non moins héros, non moins admirable, plein d’équité, plein d’humanité, toujours tranquille, toujours maître de lui, sans inégalité, sans faiblesse, et enfin le plus sage et le plus parfait de tous les hommes !
Éthique, Baruch Spinoza
Si donc quelqu’un venait nous dire qu’il a une idée claire et distincte, et partant une idée vraie d’une certaine substance, et toutefois qu’il doute de l’existence de cette substance, ce serait en vérité (un peu d’attention rendra ceci évident) comme s’il disait qu’il a une idée vraie, et toutefois qu’il ne sait si elle est vraie. Ou bien, si l’on soutient qu’une substance est créée, on soutient par la même raison qu’une idée fausse est devenue une idée vraie, ce qui est le comble de l’absurdité. Et par conséquent il faut nécessairement avouer que l’existence d’une substance est, comme son essence, une vérité éternelle.
Le Maître chat ou le Chat botté, Charles Perrault
Lorsque le Chat eut ce qu’il avait demandé, il se botta bravement, et, mettant son sac à son cou, il en prit les cordons avec ses deux pattes de devant, et s’en alla dans une garenne où il y avait grand nombre de lapins. Il mit du son et des laiterons dans son sac, et s’étendant comme s’il eût été mort, attendit que quelque jeune lapin, peu instruit encore des ruses de ce monde, vînt se fourrer dans son sac pour manger ce qu’il y avait mis. À peine fut-il couché, qu’il eut contentement : un jeune étourdi de lapin entra dans son sac, et le maître Chat, tirant aussitôt les cordons, le prit et le tua sans miséricorde.
La Machine d’arithmétique, Blaise Pascal
Ami lecteur, cet avertissement servira pour te faire savoir que j’expose au public une petite machine de mon invention, par le moyen de laquelle seul tu pourras, sans peine quelconque, faire toutes les opérations de l’arithmétique, et te soulager du travail qui t’a souvent fatigué l’esprit, lorsque tu as opéré par le jeton ou par la plume : je puis, sans présomption, espérer qu’elle ne te déplaira pas, après que Monseigneur le Chancelier l’a honorée de son estime, et que, dans Paris, ceux qui sont les mieux versés aux mathématiques ne l’ont pas jugée indigne de leur approbation. Néanmoins, pour ne pas paraître négligent à lui faire acquérir aussi la tienne, j’ai cru être obligé de t’éclairer sur toutes les difficultés que j’ai estimées capables de choquer ton sens lorsque tu prendras la peine de la considérer.
Les Fourberies de Scapin, Molière
À vous dire la vérité, il y a peu de choses qui me soient impossibles, quand je m’en veux mêler. J’ai sans doute reçu du Ciel un génie assez beau pour toutes les fabriques de ces gentillesses d’esprit, de ces galanteries ingénieuses à qui le vulgaire ignorant donne le nom de fourberies ; et je puis dire, sans vanité, qu’on n’a guère vu d’homme qui fût plus habile ouvrier de ressorts et d’intrigues, qui ait acquis plus de gloire que moi dans ce noble métier ; mais, ma foi ! le mérite est trop maltraité aujourd’hui, et j’ai renoncé à toutes choses depuis certain chagrin d’une affaire qui m’arriva.
Sur le livre d’un antitrinitaire anglais, Gottfried Wilhelm Leibniz
Premièrement je demeure d’accord que le commandement du culte suprême d’un seul Dieu est le plus important de temps, et doit être considéré comme le plus inviolable. C’est pourquoi je ne crois pas qu’on doive admettre trois substances absolues, dont chacune soit infinie, toute-puissante, éternelle, souverainement parfaite. Il parait aussi que c’est une chose très dangereuse pour le moins de concevoir le Verbe et le Saint-Esprit comme deux substances intellectuelles inférieures au grand Dieu, et néanmoins dignes d’un culte qui approche du culte que les païens rendaient à leurs dieux, ou qui le surpasse plutôt. Ainsi je crois qu’on ne doit rendre des honneurs divins qu’à une seule substance individuelle, absolue, souveraine et infinie.
Maximes et Réflexions morales, François de La Rochefoucauld
La raillerie est une gaieté agréable de l’esprit, qui enjoue la conversation, et qui lie la société si elle est obligeante, ou qui la trouble si elle ne l’est pas. Elle est plus pour celui qui la fait que pour celui qui la souffre. C’est toujours un combat de bel esprit, que produit la vanité ; d’où vient que ceux qui en manquent pour la soutenir, et ceux qu’un défaut reproché fait rougir, s’en offensent également, comme d’une défaite injurieuse qu’ils ne sauraient pardonner. C’est un poison qui tout pur éteint l’amitié et excite la haine, mais qui corrigé par l’agrément de l’esprit, et la flatterie de la louange, l’acquiert ou la conserve ; et il en faut user sobrement avec ses amis et avec les faibles.
De la nature humaine, Thomas Hobbes
Pour se faire une idée claire des éléments du droit naturel et de la politique, il est important de connaître la nature de l’homme, de savoir ce que c’est qu’un corps politique et ce que nous entendons par loi. Depuis l’Antiquité jusqu’à nous, les écrits multipliés qui ont paru sur ces objets n’ont fait qu’accroître les doutes et les disputes : mais la véritable science ne devant produire ni doutes ni disputes, il est évident que ceux qui jusqu’ici ont traité ces matières ne les ont point entendues.
Édit de Nantes, Henri IV
Et pour ne laisser aucune occasion de troubles et différends entre nos sujets, avons permis et permettons à ceux de ladite religion prétendue réformée vivre et demeurer par toutes les villes et lieux de cestui notre royaume et pays de notre obéissance, sans être enquis, vexés, molestés ni astreints à faire chose pour le fait de la religion contre leur conscience, ni pour raison d’icelle être recherchés dans les maisons et lieux où ils voudront habiter, en se comportant au reste selon qu’il est contenu en notre présent Édit.
Traité de la mécanique, René Descartes
Et ce principe ne peut manquer d’être reçu si on considère que l’effet doit être toujours proportionné à l’action qui est nécessaire pour le produire ; de façon que, s’il est nécessaire d’employer l’action par laquelle on peut lever un poids de cent livres à la hauteur de deux pieds pour en lever un à la hauteur d’un pied seulement, celui-ci doit peser deux cents livres : car c’est le même de lever cent livres à la hauteur d’un pied, et derechef encore cent à la hauteur d’un pied, que d’en lever deux cents à la hauteur d’un pied, et le même aussi que d’en lever cent à la hauteur de deux pieds.
Voyage dans la Lune et Histoire comique des états et empires du Soleil, Savinien de Cyrano de Bergerac
Ils parurent fort surpris de ma rencontre ; car j’étais le premier, à ce que je pense, qu’ils eussent jamais vu habillé de bouteilles. Et pour renverser encore toutes les interprétations qu’ils auraient pu donner à cet équipage, ils voyaient qu’en marchant je ne touchais presque point à la terre : aussi ne savaient-ils pas qu’au moindre branle que je donnais à mon corps, l’ardeur des rayons de midi me soulevait avec ma rosée, et que sans que mes fioles n’étaient plus en assez grand nombre, j’eusse été possible à leur vue enlevé dans les airs.
Œuvres critiques, Pierre Corneille
Il faut donc qu’une action, pour être d’une juste grandeur, ait un commencement, un milieu et une fin. Cinna conspire contre Auguste et rend compte de sa conspiration à Émilie, voilà le commencement ; Maxime en fait avertir Auguste, voilà le milieu ; Auguste lui pardonne, voilà la fin. Ainsi dans les comédies de ce premier volume, j’ai presque toujours établi deux amants en bonne intelligence ; je les ai brouillés ensemble par quelque fourbe, et les ai réunis par l’éclaircissement de cette même fourbe qui les séparait.
Nouvel Organum, Francis Bacon
Il peut y avoir et il y a en effet deux voies ou méthodes pour découvrir la vérité. L’une, partant des sensations et des faits particuliers, s’élance du premier saut jusqu’aux principes les plus généraux ; puis se reposant sur ces principes comme sur autant de vérités inébranlables, elle en déduit les axiomes moyens ou les y rapporte pour les juger ; c’est celle-ci qu’on suit ordinairement. L’autre part aussi des sensations et des faits particuliers ; mais s’élevant avec lenteur par une marche graduelle et sans franchir aucun degré, elle n’arrive que bien tard aux propositions les plus générales ; cette dernière méthode est la véritable, mais personne ne l’a encore tentée.
Hagakure, Tsunetomo Yamamoto
Lorsque j’étais jeune, je tenais un « journal des regrets » dans lequel je mentionnais jour après jour mes erreurs. Mais il ne se passait jamais un seul jour sans que j’aie à l’ouvrir vingt ou trente fois. Et comme je finis par réaliser qu’il en serait toujours ainsi, je décidai de l’abandonner. Aujourd’hui encore, quand je médite, avant de m’endormir, sur la journée écoulée il n’y a pas un jour où je n’aie commis quelque bévue en parole ou en acte. Vivre sans commettre d’erreur est quasiment impossible mais « les intellectuels » ne sont pas prêts de l’admettre.
Histoire de Juliette, ou les Prospérités du vice, Donatien Alphonse François de Sade
On partit dès le lendemain ; les plus grande succès couronnèrent dix ans nos héros. Au bout de ce temps, la mort de Mme de Lorsange la fit disparaître de la scène du monde, comme s'évanouit ordinairement tout ce qui brille sur la terre ; et cette femme, unique en son genre, morte sans avoir écrit les derniers événements de sa vie, enlève absolument à tout écrivain la possibilité de la montrer au public. Ceux qui voudraient l'entreprendre ne le feraient qu'en nous offrant leurs rêveries pour des réalités, ce qui serait d'une étonnante différence aux yeux des gens de goût, et particulièrement de ceux qui ont pris quelque intérêt à la lecture de cet ouvrage.
Émile, ou De l’éducation, Jean-Jacques Rousseau
D’où vient la faiblesse de l’homme ? De l’inégalité qui se trouve entre sa force et ses désirs. Ce sont nos passions qui nous rendent faibles, parce qu’il faudrait pour les contenter plus de forces que ne nous en donna la nature. Diminuez donc les désirs, c’est comme si vous augmentiez les forces : celui qui peut plus qu’il ne désire en a de reste ; il est certainement un être très fort. Voilà le troisième état de l’enfance, et celui dont j’ai maintenant à parler. Je continue à l’appeler enfance, faute de terme propre à l’exprimer ; car cet âge approche de l’adolescence, sans être encore celui de la puberté.
Discours sur la peine de mort, Maximilien de Robespierre
On a observé que dans les pays libres, les crimes étaient plus rares et les lois pénales plus douces. Toutes les idées se tiennent. Les pays libres sont ceux où les droits de l’homme sont respectés, et où, par conséquent, les lois sont justes. Partout où elles offensent l’humanité par un excès de rigueur, c’est une preuve que la dignité de l’homme n’y est pas connue, que celle du citoyen n’existe pas : c’est une preuve que le législateur n’est qu’un maître qui commande à des esclaves, et qui les châtie impitoyablement suivant sa fantaisie. Je conclus à ce que la peine de mort soit abrogée.
Histoire de Miss Clarisse Harlove, Samuel Richardson
Vous ne doutez pas, ma très chère amie, que je ne prenne un extrême intérêt aux troubles qui viennent de s’élever dans votre famille. Je sais combien vous devez vous trouver blessée de devenir le sujet des discours du public. Cependant il est impossible que, dans une aventure si éclatante, tout ce qui concerne une jeune personne sur qui ses qualités distinguées ont fixé l’attention générale, n’excite pas la curiosité et les réflexions de tout le monde : je brûle d’en apprendre les circonstances de vous-même, et celles de la conduite qu’on a tenue avec vous à l’occasion d’un accident que vous n’avez pu empêcher, et dans lequel, autant que j’ai pu m’en éclaircir, c’est l’agresseur qui se trouve maltraité.
Éloge de la sincérité, Montesquieu
Il n’y a que trop de Narcisses dans le monde, de ces gens amoureux d’eux-mêmes. Ils sont perdus s’ils trouvent dans leurs amis de la complaisance. Prévenus de leur mérite, remplis d’une idée qui leur est chère, ils passent leur vie à s’admirer. Que faudrait-il pour les guérir d’une folie qui semble incurable ? Il ne faudrait que les faire apercevoir du petit nombre de leurs rivaux; que leur faire sentir leurs faiblesses ; que mettre leurs vices dans le point de vue qu’il faut pour les faire voir, que se joindre à eux contre eux-mêmes, et leur parler dans la simplicité de la vérité.
Le Jeu de l’amour et du hasard, Pierre Carlet de Chamblain de Marivaux
Je frissonne encore de ce que je lui ai entendu dire ; avec quelle impudence les domestiques ne nous traitent-ils pas dans leur esprit ? Comme ces gens-là vous dégradent ! Je ne saurais m’en remettre, je n’oserais songer aux termes dont elle s’est servie, ils me font toujours peur. Il s’agit d’un valet : ah l’étrange chose ! Écartons l’idée dont cette insolente est venue me noircir l’imagination. Voici Bourguignon, voilà cet objet en question pour lequel je m’emporte ; mais ce n’est pas sa faute, le pauvre garçon et je ne dois pas m’en prendre à lui.
Déclaration de Louis XVI à tous les Français, à sa sortie de Paris, Louix XVI
Français, et vous surtout Parisiens, vous habitants d'une ville que les ancêtres de Sa Majesté se plaisaient à appeler la bonne ville de Paris, méfiez-vous des suggestions et des mensonges de vos faux amis, revenez à votre Roi, il sera toujours votre père, votre meilleur ami. Quel plaisir n'aura-t-il pas d'oublier toutes ses injures personnelles, et de se revoir au milieu de vous lorsqu'une Constitution qu'il aura acceptée librement fera que notre sainte religion sera respectée, que le gouvernement sera établi sur un pied stable et utile par son action, que les biens et l'état de chacun ne seront plus troublés, que les lois ne seront plus enfreintes impunément, et qu'enfin la liberté sera posée sur des bases fermes et inébranlables.
Traité élémentaire de chimie, Antoine Laurent de Lavoisier
Cette opération est une des plus frappantes et des plus extraordinaires de toutes celles que la Chimie nous présente, et nous avons à examiner d’où vient le gaz acide carbonique qui se dégage, d’où vient l’esprit inflammable qui se forme, et comment un corps doux, un oxyde végétal peut se transformer ainsi en deux substances si différentes, dont l’une est combustible, l’autre éminemment incombustible. On voit que pour arriver à la solution de ces deux questions, il fallait d’abord bien connaître l’analyse et la nature du corps susceptible de fermenter, et les produits de la fermentation ; car rien ne se crée, ni dans les opérations de l’art, ni dans celles de la nature, et l’on peut poser en principe que dans toute opération, il y a une égale quantité de matière avant et après l’opération ; que la qualité et la quantité des principes est la même, et qu’il n’y a que des changements, des modifications.
Critique de la raison pure, Emmanuel Kant
Il n'est pas douteux que toutes nos connaissances ne commencent avec l'expérience ; car par quoi la faculté de connaître serait-elle appelée à s'exercer, si elle ne l'était point par des objets qui frappent nos sens et qui, d'un côté, produisent d'eux-mêmes des représentations, et, de l'autre, excitent notre activité intellectuelle à les comparer, à les unir ou à les séparer, et à mettre ainsi en œuvre la matière brute des impressions sensibles pour en former cette connaissance des objets qui s'appelle l'expérience ? Aucune connaissance ne précède donc en nous, dans le temps, l'expérience, et toutes commencent avec elle.
Théologie portative, Paul Henri Thiry d’Holbach
Substance inconnue, qui agit d'une façon inconnue sur notre corps que nous ne connaissons guère ; nous devons en conclure que l'âme est spirituelle. Or personne n'ignore ce que c'est que d'être spirituel. L'âme est la partie la plus noble de l'homme, attendu que c'est celle que nous connaissons le moins. Les animaux n'ont point d'âmes, ou n'en ont que de matérielles ; les prêtres et les moines ont des âmes spirituelles, mais quelques-uns d'entre eux ont la malice de ne point les montrer, ce qu'ils font, sans doute, par pure humilité.
Casse-Noisette et le roi des souris, Ernst Theodor Amadeus Hoffmann
Au vingt-quatre décembre, la chambre du milieu et bien plus encore le salon qui y donnait furent formellement interdits aux enfants du médecin consultant Stahlbaum. Fritz et Marie se tenaient assis l’un près de l’autre dans un coin de la chambre du fond. Le crépuscule du soir était déjà descendu, et ils éprouvaient une certaine crainte en ne voyant pas apporter de la lumière comme cela se faisait d’habitude à cette heure du jour. Fritz raconta, en parlant bien bas à sa jeune sœur (elle était âgée de sept ans), qu’il avait entendu frapper et aller et venir dans la chambre fermée, et aussi qu’il n’y avait pas bien longtemps qu’un petit homme, tenant une cassette sous le bras, s’était glissé dans l’escalier.
Maximes et Réflexions, Johann Wolfgang von Goethe
Dans l’examen des productions de l’art, doit-on comparer ou non ? Nous pouvons répondre à cette question de la manière suivante : le véritable connaisseur doit comparer ; l’idéal est présent à son esprit ; il a saisi l’idée qui peut et doit être représentée ; l’amateur, qui n’en est encore qu’à former son jugement, fera plus de progrès si, s’abstenant de comparer, il étudie le mérite particulier de chaque ouvrage ; par là se forme peu-à-peu le sentiment et l’intelligence en général. Comparer, pour les non connaisseurs, est chose commode qui dispense de juger.
L’Oiseau blanc, conte bleu, Denis Diderot
La favorite se couchait de bonne heure, et s’endormait fort tard. Pour hâter le moment de son sommeil, on lui chatouillait la plante des pieds, et on lui faisait des contes ; et pour ménager l’imagination et la poitrine des conteurs, cette fonction était partagée entre quatre personnes, deux émirs et deux femmes. Ces quatre improvisateurs poursuivaient successivement le même récit aux ordres de la favorite. Sa tête était mollement posée sur son oreiller, ses membres étendus dans son lit, et ses pieds confiés à sa chatouilleuse, lorsqu’elle dit : « Commencez ; » et ce fut la première de ses femmes qui débuta par ce qui suit.
Robinson Crusoé, Daniel Defoe
En ces extrémités, le vent soufflait toujours avec violence, et à la pointe du jour un de nos hommes s’écria : « Terre ! ». À peine nous étions-nous précipités hors de la cabine, pour regarder dans l’espoir de reconnaître en quel endroit du monde nous étions, que notre navire donna contre un banc de sable : son mouvement étant ainsi subitement arrêté, la mer déferla sur lui d’une telle manière, que nous nous attendîmes tous à périr sur l’heure, et que nous nous réfugiâmes vers le gaillard d’arrière, pour nous mettre à l’abri de l’écume et des éclaboussures des vagues.
Discours sur l’abolition de l’esclavage, Georges Jacques Danton
Représentants du peuple français, jusqu’ici nous n’avions décrété la liberté qu’en égoïstes et pour nous seuls. Mais aujourd’hui nous proclamons à la face de l’univers, et les générations futures trouveront leur gloire dans ce décret, nous proclamons la liberté universelle. Hier, lorsque le président donna le baiser fraternel au député de couleur, je vis le moment où la Convention devait décréter la liberté de nos frères. La séance était trop nombreuse. La Convention vient de faire son devoir. Mais après avoir accordé le bienfait de la liberté, il faut que nous en soyons pour ainsi dire les modérateurs. Renvoyons au comité de salut public et des colonies, pour combiner les moyens de rendre ce décret utile à l’humanité, sans aucun danger pour elle.
Sur l’instruction publique, Nicolas de Condorcet
Ainsi, par exemple, celui qui ne sait pas écrire, et qui ignore l’arithmétique, dépend réellement de l’homme plus instruit, auquel il est sans cesse obligé de recourir. Il n’est pas l’égal de ceux à qui l’éducation a donné ces connaissances ; il ne peut pas exercer les mêmes droits avec la même étendue et la même indépendance. Celui qui n’est pas instruit des premières lois qui règlent le droit de propriété ne jouit pas de ce droit de la même manière que celui qui les connaît ; dans les discussions qui s’élèvent entre eux, ils ne combattent point à armes égales.
Les Liaisons dangereuses, Pierre Choderlos de Laclos
Mme de Volanges marie sa fille : c’est encore un secret ; mais elle m’en a fait part hier. Et qui croyez-vous qu’elle ait choisi pour gendre ? Le Comte Gercourt. Qui m’aurait dit que je deviendrais la cousine de Gercourt ? J’en suis dans une fureur… Eh bien ! Vous ne devinez pas encore ? Oh ! L’esprit lourd ! Lui avez-vous donc pardonné l’aventure de l’Intendante ? Et moi, n’ai-je pas encore plus à me plaindre de lui, monstre que vous êtes ? Mais je m’apaise, et l’espoir de me venger rassérène mon âme.
Voyage autour du monde, Louis Antoine de Bougainville
Il ne paraissait pas avoir plus de trente toises de diamètre et diminuait de grosseur en montant ; on l'eût pris de loin pour une pyramide d'une hauteur immense que la main d'un décorateur habile aurait parée de guirlandes de feuillages. Les terrains moins élevés sont entrecoupés de prairies et de bosquets, et dans toute l'étendue de la côte il règne, sur les bords de la mer, au pied du pays haut, une lisière de terre basse et unie, couverte de plantations. C'est là qu'au milieu des bananiers, des cocotiers et d'autres arbres chargés de fruits, nous apercevions les maisons des insulaires.
Lettres à Joséphine, Napoléon Bonaparte
J'ai reçu ta lettre, bonne petite Joséphine. Je vois avec peine que tu as souffert de la route ; mais quelques jours de repos te feront du bien. Je suis assez bien portant. J'ai été hier à la chasse à Marly, et je m'y suis blessé très légèrement à un doigt en tirant un sanglier. Hortense se porte assez bien. Ton gros fils a été un peu malade, mais il va mieux. Je crois que ce soir ces dames jouent Le Barbier de Séville. Le temps est très beau. Je te prie de croire que rien n'est plus vrai que les sentiments que j'ai pour ma petite Joséphine. Tout à toi.
Le Mariage de Figaro, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais
Tu parles d’or, maman, et je me tiens à ton avis. Qu’on est sot, en effet ! Il y a des mille, mille ans que le monde roule, et dans cet océan de durée, où j’ai par hasard attrapé quelques chétifs trente ans qui ne reviendront plus, j’irais me tourmenter pour savoir à qui je les dois ! Tant pis pour qui s’en inquiète. Passer ainsi la vie à chamailler, c’est peser sur le collier sans relâche, comme les malheureux chevaux de la remonte des fleuves, qui ne reposent pas même quand ils s’arrêtent, et qui tirent toujours, quoiqu’ils cessent de marcher. Nous attendrons.
De l’action exercée sur un courant électrique par un autre courant, le globe terrestre ou un aimant, André-Marie Ampère
Suivant le sens dans lequel on fait passer le courant dans une telle spirale, elle est en effet fortement attirée ou repoussée par le pôle d’un aimant qu’on lui présente de manière que la direction de son axe soit perpendiculaire au plan de la spirale, selon que les courants électriques de la spirale et du pôle de l’aimant sont dans le même sens ou en sens contraire. En remplaçant l’aimant par une autre spirale, dont le courant soit dans le même sens que le sien, on a les mêmes attractions et répulsions ; c’est ainsi que j’ai découvert que deux courants électriques s’attirent quand ils ont lieu dans le même sens, et se repoussent dans le cas contraire.
Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Discours préliminaire, Jean le Rond d’Alembert
L’examen que nous faisons de l’étendue figurée nous présentant un grand nombre de combinaisons à faire, il est nécessaire d’inventer quelque moyen qui nous rende ces combinaisons plus faciles ; et comme elles consistent principalement dans le calcul et le rapport des différentes parties dont nous imaginons que les corps géométriques sont formés, cette recherche nous conduit bientôt à l’Arithmétique ou Science des nombres. Elle n’est autre chose que l’art de trouver d’une manière abrégée l’expression d’un rapport unique qui résulte de la comparaison de plusieurs autres. Les différentes manières de comparer ces rapports donnent les différentes règles de l’Arithmétique.
Discours lors du premier Congrès Universel d’Espéranto, Ludwik Lejzer Zamenhof
Je vous salue, chers amis, frères et sœurs de la grande famille humaine, qui êtes venus des pays proches ou lointains, des États les plus divers de la terre, pour vous serrer réciproquement la main comme des frères au nom de la grande idée qui nous unit tous. Je vous salue aussi, glorieux pays de France et belle ville de Boulogne-sur-Mer, qui avez bien voulu offrir l’hospitalité à notre Congrès. Je remercie aussi cordialement les personnes et les institutions de Paris, qui, à mon passage dans cette glorieuse cité, ont exprimé sous mon adresse leur sympathie pour la cause de l’Espéranto, notamment M. le Ministre de l’Instruction publique, la municipalité de Paris, la Ligue française de l’enseignement et beaucoup d’éminents savants.
Le Portrait de Dorian Gray, Oscar Wilde
Lord Henry le guettait, son mystérieux sourire aux lèvres. Il connaissait le moment psychologique du silence… Il se sentait vivement intéressé. Il s’étonnait de l’impression subite que ses paroles avaient produite ; se souvenant d’un livre qu’il avait lu quand il avait seize ans et qui lui avait révélé ce qu’il avait toujours ignoré, il s’émerveilla de voir Dorian Gray passer par une semblable expérience. Il avait simplement lancé une flèche en l’air. Avait-elle touché le but ?… Ce garçon était vraiment intéressant.
Un musicien étranger à Paris, Richard Wagner
Il me reste maintenant à exécuter le testament. Je publierai dans les prochains numéros de cette gazette, sous le titre de Caprices esthétiques d’un musicien, les différentes parties du journal du défunt, pour lesquelles l’éditeur a promis de payer un prix élevé, par égard pour la destination respectable de cet argent. Les partitions qui composent le reste de sa succession sont à la disposition de MM. les directeurs d’Opéra, qui peuvent, pour cet objet, s’adresser, par lettres non affranchies, à l’exécuteur testamentaire.
Le Tour du monde en quatre-vingts jours, Jules Verne
Phileas Fogg avait donc gagné les vingt mille livres. Mais comme il en avait dépensé en route environ dix-neuf mille, le résultat pécuniaire était médiocre. Toutefois, on l’a dit, l’excentrique gentleman n’avait, en ce pari, cherché que la lutte, non la fortune. Et même, les mille livres restant, il les partagea entre l’honnête Passepartout et le malheureux Fix, auquel il était incapable d’en vouloir. Seulement, et pour la régularité, il retint à son serviteur le prix des dix-neuf cent vingt heures de gaz dépensé par sa faute.
Guerre et Paix, Léon Tolstoï
« Eh bien, prince, que vous disais-je ? Gênes et Lucques sont devenues les propriétés de la famille Bonaparte. Aussi, je vous le déclare d’avance, vous cesserez d’être mon ami, mon fidèle esclave, comme vous dites, si vous continuez à nier la guerre et si vous vous obstinez à défendre plus longtemps les horreurs et les atrocités commises par cet Antéchrist…, car c’est l’Antéchrist en personne, j’en suis sûre ! Allons, bonjour, cher prince ; je vois que je vous fais peur… asseyez-vous ici, et causons… »
L’Ancien Régime et la Révolution, Alexis de Tocqueville
Le Languedoc était le plus vaste et le plus peuplé de tous les pays d'états ; il contenait plus de deux mille communes, ou, comme on disait alors, de communautés, et comptait près de deux millions d'habitants. Il était, de plus, le mieux ordonné et le plus prospère de tous ces pays, comme le plus grand. Le Languedoc est donc bien choisi pour faire voir ce que pouvait être la liberté provinciale sous l'ancien régime, et à quel point, dans les contrées mêmes où elle paraissait la plus forte, on l'avait subordonnée au pouvoir royal.
Discours sur les libertés nécessaires, Adolphe Thiers
De leur côté, les partisans de la monarchie ont voulu, eux aussi, n'être pas moins libres que les citoyens de la république, et quel moyen ont-ils imaginé ? C'est au lieu de faire porter l'effort de l'opinion publique sur le chef de l'État, de le faire porter sur les dépositaires de son autorité, d'établir le débat non pas avec le souverain, mais avec des ministres, de manière que, le souverain ne changeant pas, la permanence du pouvoir étant assurée, quelque chose changeât, la politique, et qu'ainsi s'accomplit ce beau phénomène du pays placé sous un monarque étranger à toutes les vicissitudes, du pays se gouvernant lui-même par sa propre pensée et pas sa propre opinion.
Salle 6, Anton Tchekhov
Dans la cour de l’hôpital, perdue dans une véritable forêt de bardanes, d’orties et de chanvre sauvage, s’élève une petite annexe. Le toit en est rouillé, la cheminée à demi écroulée, l’herbe pousse sur les degrés pourris de l’entrée, et des crépissages il ne reste que des vestiges. La façade principale regarde l’hôpital, celle de derrière est tournée vers les champs, dont la sépare, grise et garnie de clous, la barrière de l’hôpital. Ces clous, aux pointes effilées, la barrière et l’annexe elle-même ont cet aspect spécial, triste et rébarbatif que l’on ne voit chez nous qu’aux hôpitaux et aux prisons.
L’Île au trésor, Robert Louis Stevenson
Ben Gunn était de garde sur le pont. À peine nous eut-il vus qu’il entama toute une confession, avec les plus absurbes grimaces. Silver était parti, avec sa connivence, dans un canot du port. Il nous jurait maintenant n’avoir consenti à cette évasion que pour sauver nos vies, qui auraient été en grand péril si « l’homme à une jambe » était resté à bord. Mais il y avait encore autre chose. Le cuisinier n’était pas parti sans biscuit. En perçant une cloison, il avait réussi à prendre un sac d’or, contenant peut-être huit à dix mille guinées, et l’avait emporté pour subvenir à ses frais de voyage.
L’Art d’avoir toujours raison, Arthur Schopenhauer
La contradiction et la dispute incitent l’homme à l’exagération. Nous pouvons ainsi par la provocation inciter l’adversaire à aller au-delà des limites de son argumentation pour le réfuter et donner l’impression que nous avons réfuté l’argumentation elle même. De même, il faut faire attention à ne pas exagérer ses propres arguments sous l’effet de la contraction. L’adversaire cherchera souvent lui-même à exagérer nos arguments au-delà de leurs limites et il faut l’arrêter immédiatement pour le ramener dans les limites établies : « Voilà ce que j’ai dit, et rien de plus. »
La Petite Fadette, George Sand
Mais la petite Fadette, tirant par une patte son sauteriot, qui avait réussi à la rattraper et à se pendre à son mauvais jupon tout cendroux, se mit à suivre Landry, toujours ricanant et toujours lui disant que sans elle il ne retrouverait jamais son besson. Si bien que Landry, ne pouvant se débarrasser d'elle, et s'imaginant que par quelque sorcellerie, sa grand’mère ou peut-être elle-même, par quelque accointance avec le follet de la rivière, l'empêcheraient de retrouver Sylvinet, prit son parti de tirer en sus de la Joncière et de s'en revenir à la maison.
Discours de réception à l’Académie Française, Edmond Rostand
Messieurs, j’ai feuilleté ces vertes brochures sur lesquelles Minerve rejette son casque en arrière ; j’ai colligé les exordes de tous les récipiendaires passés ; et j’ai connu que si j’arrive à l’Académie trop tôt pour pouvoir abréger les humilités préliminaires, j’y arrive trop tard pour espérer trouver une façon originale d’être confus. Tout est dit… depuis plus de deux cent cinquante ans qu’il y a des académiciens, et qui sont modestes. Il sera entendu, si vous le voulez bien, que je suis ici parce qu’au moment où vous avez eu à remplacer l’auteur de la Fille de Roland, je me trouvais être, par le hasard d’un voyage, le poète le plus rapproché de Roncevaux.
Déclaration de Rimbaud au commissaire de police, Arthur Rimbaud
Depuis un an, j'habite Londres avec le sieur Verlaine. Nous faisions des correspondances pour les journaux et donnions des leçons de français. Sa société était devenue impossible, et j'avais manifesté le désir de retourner à Paris. Il y a quatre jours, il m'a quitté pour venir à Bruxelles et m'a envoyé un télégramme pour venir le rejoindre. Je suis arrivé depuis deux jours, et suis allé me loger avec lui et sa mère, rue des Brasseurs, n° 1. Je manifestais toujours le désir de retourner à Paris. Il me répondait : « Oui, pars, et tu verras ! »
Poil de Carotte, Jules Renard
Il dit bonsoir à tout le monde, allume une bougie, et gagne au fond du corridor, à droite, sa chambre nue et solitaire. Il se déshabille, se couche et attend la visite de madame Lepic. Elle le borde serré, d’un unique renfoncement, et souffle la bougie. Elle lui laisse la bougie et ne lui laisse point d’allumettes. Et elle l’enferme à clef parce qu’il est peureux. Poil de Carotte goûte d’abord le plaisir d’être seul. Il repasse sa journée, se félicite de l’avoir fréquemment échappé belle, et compte, pour demain, sur une chance égale. Il se flatte que, deux jours de suite, madame Lepic ne fera pas attention à lui, et il essaie de s’endormir avec ce rêve.
Qu’est-ce que la propriété ?, Pierre-Joseph Proudhon
Si j’avais à répondre à la question suivante : Qu’est-ce que l’esclavage ? et que d’un seul mot je répondisse : c’est l’assassinat, ma pensée serait d’abord comprise. Je n’aurais pas besoin d’un long discours pour montrer que le pouvoir d’ôter à l’homme la pensée, la volonté, la personnalité, est un pouvoir de vie et de mort, et que faire un homme esclave, c’est l’assassinat. Pourquoi donc à cette autre demande : Qu’est-ce que la propriété ? ne puis-je répondre de même : c’est le vol, sans avoir la certitude de n’être pas entendu, bien que cette seconde proposition ne soit que la première transformée ?
Mémoire sur la fermentation appelée lactique, Louis Pasteur
Je crois devoir indiquer en quelques mots comment j'ai été conduit à m'occuper de recherches sur les fermentations. Ayant appliqué jusqu'à présent tous mes efforts à essayer de découvrir les liens qui existent entre les propriétés chimiques, optiques et cristallographiques de certains corps dans le but d'éclairer leur constitution moléculaire, on s'étonnera peut-être de me voir aborder un sujet de chimie physiologique bien éloigné en apparence de mes premiers travaux. Il s'y rattache néanmoins très directement.
Ainsi parlait Zarathoustra, Friedrich Nietzsche
Ici finit le premier discours de Zarathoustra, celui que l’on appelle aussi « le prologue » : car en cet endroit il fut interrompu par les cris et la joie de la foule. « Donne-nous ce dernier homme, ô Zarathoustra, — s’écriaient-ils — rends-nous semblables à ces derniers hommes ! Nous te tiendrons quitte du Surhumain ! » Et tout le peuple jubilait et claquait de la langue. Zarathoustra cependant devint triste et dit à son cœur : « Ils ne me comprennent pas : je ne suis pas la bouche qu’il faut à ces oreilles.
Pandora, Gérard de Nerval
Je l'accompagnai chez son marchand de musique ; et, pendant qu'elle feuilletait des albums, je vis accourir le vieux marquis en uniforme de magyar, mais sans bonnet, qui s'écriait : « Quelle imprudence ! les deux étourdis vont se tuer pour l'amour de vous ! » Je brisai cette conversation ridicule, en faisant avancer un fiacre. La Pandora donna l'ordre de toucher Dorothée-Gasse, chez sa modiste. Elle y resta enfermée une heure, puis elle dit en sortant : « Je ne suis entourée que de maladroits. — Et moi ? observai-je humblement. — Oh ! vous, vous avez le numéro un. — Merci ! répliquai-je. »
Il faut qu’une porte soit ouverte ou fermée, Alfred de Musset
Il est vrai que c’est aujourd’hui mon jour, et je ne sais trop pourquoi j’en ai un. C’est une mode qui a pourtant sa raison. Nos mères laissaient leur porte ouverte ; la bonne compagnie n’était pas nombreuse, et se bornait, pour chaque cercle, à une fournée d’ennuyeux qu’on supportait à la rigueur. Nous sommes tombés dans la société ; dès qu’on reçoit, on reçoit tout Paris, et tout Paris, au temps où nous sommes, c’est bien réellement Paris tout entier, ville et faubourgs. Quand on est chez soi, on est dans la rue. Il fallait bien trouver un remède ; de là vient que chacun a son jour. C’est le seul moyen de se voir le moins possible, et quand on dit : Je suis chez moi le mardi, il est clair que c’est comme si on disait : Le reste du temps, laissez-moi tranquille.
La Partie de trictrac, Prosper Mérimée
Six semaines après cette malheureuse partie de trictrac, Roger trouva chez Gabrielle un billet écrit par un aspirant qui paraissait la remercier de bontés qu’elle avait eues pour lui, Gabrielle était le désordre en personne, et le billet en question avait été laissé par elle sur sa cheminée. Je ne sais si elle avait été infidèle, mais Roger le crût, et sa colère fut épouvantable. Son amour et un reste d’orgueil étaient les seuls sentiments qui pussent encore l’attacher à la vie, et le plus fort de ses sentiments allait être ainsi soudainement détruit. Il accabla d’injures l’orgueilleuse comédienne ; et, violent comme il était, je ne sais comment il se fit qu’il ne la battît pas.
Recherches sur des hybrides végétaux, Gregor Mendel
Des adultérations par pollen étranger, si elles se produisaient au cours des recherches et n’étaient pas reconnues, pourraient conduire à des conclusions tout à fait fausses. Une diminution de fécondité ou une stérilité complète de certaines formes, comme on en rencontre dans la descendance de beaucoup d’hybrides, rendraient les recherches très difficiles ou les feraient complètement échouer. Pour que l’on puisse connaître les rapports qui unissent les formes hybrides entre elles et avec leurs espèces souches, il paraît indispensable que tous les individus de chaque génération soient soumis à l’observation.
Manifeste du parti communiste, Karl Marx et Friedrich Engels
La grande industrie a créé le marché mondial, préparé par la découverte de l’Amérique. Le marché mondial accéléra prodigieusement le développement du commerce, de la navigation, des voies de communication terrestres. Ce développement réagit à son tour sur l’extension de l’industrie ; et, au fur et à mesure que l’industrie, le commerce, la navigation, les chemins de fer se développaient, la bourgeoisie grandissait, décuplant ses capitaux et refoulant à l’arrière-plan les classes léguées par le moyen âge.
Graziella, Alphonse de Lamartine
Surprise au milieu de son sommeil par la voix de son frère, Graziella n’avait eu ni la pensée ni le temps de s’arranger une toilette de nuit. Elle s’était élancée pieds nus à la fenêtre, dans le désordre où elle dormait sur son lit. De ses longs cheveux noirs, la moitié tombait sur une de ses joues ; l’autre moitié se tordait autour de son cou, puis, emportée de l’autre côté de son épaule par le vent qui soufflait avec force, frappait le volet entrouvert et revenait lui fouetter le visage comme l’aile d’un corbeau battue du vent.
Le Livre de la jungle, Rudyard Kipling
En ces jours-là, Baloo lui enseignait la Loi de la Jungle. Le grand Ours brun, vieux et grave, se réjouissait d'un élève à l'intelligence si prompte ; car les jeunes loups ne veulent apprendre de la Loi de la Jungle que ce qui concerne leur Clan et leur tribu, et décampent dès qu'ils peuvent répéter le refrain de chasse : « Pieds qui ne font pas de bruit ; yeux qui voient dans l'ombre ; oreilles tendues au vent, du fond des cavernes, et dents blanches pour mordre : qui porte ces signes est de nos frères, sauf Tabaqui le Chacal et l'Hyène, que nous haïssons. » Mais Mowgli, comme petit d'homme, en dut apprendre bien plus long.
Discours à la jeunesse au Lycée d’Albi, Jean Jaurès
Ah ! vraiment, comme notre conception de la vie est pauvre, comme notre science de vivre est courte, si nous croyons que, la guerre abolie, les occasions manqueront aux hommes d’exercer et d’éprouver leur courage, et qu’il faut prolonger les roulements de tambour qui dans les lycées du premier Empire faisaient sauter les cœurs ! Ils sonnaient alors un son héroïque ; dans notre vingtième siècle, ils sonneraient creux. Et vous, jeunes gens, vous voulez que votre vie soit vivante, sincère et pleine. C’est pourquoi je vous ai dit, comme à des hommes, quelques-unes des choses que je portais en moi.
La Vierge au Manneken-Pis, Alfred Jarry
Mon œuvre consiste, mon cher élève, à transformer, par une canalisation ingénieuse, toutes les statues de la Vierge à L'Enfant en « Vierges au Manneken-Pis ». On met le gaz dans les églises. Pourquoi pas l'eau ? Un bénitier recevra le trop-plein et un tronc les aumônes des fidèles. La statuaire moderne et perfectionnée de Saint-Sulpice donnera, si les ressources de l'œuvre prospèrent, au divin Enfant une attitude plus propre à faire illusion : sa mère le tiendra accroupi loin du sol, comme font les bonnes nourrices.
Raiponce, Jacob et Wilhelm Grimm
Lorsque le crépuscule fut arrivé, il escalada le mur du jardin de la magicienne, cueillit rapidement une pleine poignée de raiponces et les rapporta à son épouse. Elle s’en fit aussitôt une salade et la mangea d’un coup avidement. Elles lui plurent tant que le jour suivant, elle en eut encore trois fois plus envie. Pour la calmer, l’homme dut encore une fois escalader le mur du jardin. Il le fit à nouveau au crépuscule. Mais tandis qu’il grimpait au mur il fut brusquement effrayé car il aperçut la magicienne qui se tenait devant lui.
La Fille Élisa, Edmond de Goncourt
Le monde de l’audience était confondu. Des robes de femmes se détachaient lumineusement claires sur des groupes sombres de stagiaires. Au fond, la silhouette rouge de l’avocat général se promenait, bras dessus, bras dessous, avec la silhouette noire de l’avocat de l’accusée. Un sergent de ville se trouvait assis sur le siège du greffier. Mais cette confusion, cette mêlée, ce désordre, ne faisaient pas de bruit, n’avaient, pour ainsi dire, pas de paroles, et un silence étrange et un peu effrayant planait sur le remuement muet de l’entracte.
Le Chevalier Gluck, Ernst Theodor Amadeus Hoffmann
Il se leva et me toisa d'un regard sévère et pénétrant, et au moment où je me disposais à répéter ma question, il avait disparu avec la lumière, me laissant dans l'obscurité la plus complète. J'étais seul déjà depuis un quart d'heure, je désespérais de le revoir, et je cherchais, en m'orientant sur la position du piano, à gagner la porte, lorsqu'il reparut tout-à-coup avec la lumière : il portait un riche habit à la française, chargé de broderies, une belle veste de satin, et une épée pendait à son côté.
Avatar, Théophile Gautier
Personne ne pouvait rien comprendre à la maladie qui minait lentement Octave de Saville. Il ne gardait pas le lit et menait son train de vie ordinaire ; jamais une plainte ne sortait de ses lèvres, et cependant il dépérissait à vue d’œil. Interrogé par les médecins que le forçait à consulter la sollicitude de ses parents et de ses amis, il n’accusait aucune souffrance précise, et la science ne découvrait en lui nul symptôme alarmant : sa poitrine auscultée rendait un son favorable, et à peine si l’oreille appliquée sur son cœur y surprenait quelque battement trop lent ou trop précipité ; il ne toussait pas, n’avait pas la fièvre, mais la vie se retirait de lui et fuyait par une de ces fentes invisibles dont l’homme est plein au dire de Térence.
L’Œuf rouge, Anatole France
On parle de suggestion. C’en est là de la plus naturelle et de la plus croyable. Je me méfie un peu, malgré tout, de celle qui est préparée dans les cliniques. Mais qu’un être chez qui la volonté est morte obéisse à toutes les excitations extérieures, c’est une vérité que la raison admet et que démontre l’expérience. L’exemple que vous en apportez m’en rappelle un autre assez analogue. C’est celui de mon malheureux camarade Alexandre Le Mansel. Un vers de Sophocle tua votre héroïne. Une phrase de Lampride perdit l’ami dont je veux vous parler.
Démonstration physique du mouvement de rotation de la Terre au moyen du pendule, Léon Foucault
Je dois à l’obligeance de M. Arago et au zèle intelligent de notre habile constructeur, M. Froment, qui m’a si activement secondé dans l’exécution de ce travail, d’avoir pu déjà reproduire l’expérience sur une plus grande échelle. Profitant de la hauteur de la salle de la méridienne à l’Observatoire, j’ai pu donner au fil du pendule une longueur de 11 mètres. L’oscillation est devenue à la fois plus lente et plus étendue, en sorte qu’entre deux retours consécutifs du pendule, au point de repère, on constate manifestement une déviation sensible sur la gauche.
De l’égalité d’éducation, Jules Ferry
L’égalité, messieurs, c’est la loi même du progrès humain ! c’est plus qu’une théorie : c’est un fait social, c’est l’essence même et la légitimité de la société à laquelle nous appartenons. En effet, la société moderne, aussi bien que la société ancienne, est la démonstration vivante et quotidienne de cette vérité, qui devient de nos jours de plus en plus visible : à savoir que la société humaine n’a qu’un but, qu’une loi de développement, qu’une fin dernière : atténuer de plus en plus, à travers les âges, les inégalités primitives données par la nature.
Les Frères Karamazov, Fédor Dostoïevski
C’était vers la fin du mois d’août, par une belle matinée claire et chaude. La réunion de la famille Karamazov chez le starets Zossima devait avoir lieu à onze heures et demie. On avait eu recours, en désespoir de cause, à cette assemblée d’un conseil de famille, sous le patronage du vénérable vieillard, pour trancher les différends survenus entre Fédor Pavlovitch Karamazov et son fils aîné Dmitri Fédorovitch. La situation entre le père et le fils était extrêmement tendue. Dmitri Fédorovitch réclamait l’héritage de sa mère, et Fédor Pavlovitch prétendait avoir donné à son fils tout ce qui lui était dû.
L’Origine des espèces, Charles Darwin
Les lois diverses, absolument ignorées ou imparfaitement comprises, qui régissent la variation, ont des effets extrêmement complexes. Il est intéressant d’étudier les différents traités relatifs à quelques-unes de nos plantes cultivées depuis fort longtemps, telles que la jacinthe, la pomme de terre ou même le dahlia, etc. ; on est réellement étonné de voir par quels innombrables points de conformation et de constitution les variétés et les sous-variétés diffèrent légèrement les unes des autres. Leur organisation tout entière semble être devenue plastique et s’écarter légèrement de celle du type originel.
Notes sur le foot-ball, Pierre de Coubertin
Si les Français savaient le rôle de l’intelligence et de la volonté, la part de l’esprit et du caractère dans la plupart des sports, – et dans celui-ci en particulier, – avec quel entrain ils y pousseraient leurs enfants ! Mais le Français est un grand sceptique : saint Thomas est son patron. Il faut qu’il touche du doigt… On ne peut pourtant pas rendre le foot-ball obligatoire pour tous les hommes valides à partir de 30 ans, afin de leur en faire mieux apprécier les bienfaits ! Alors, il faut attendre que les joueurs d’aujourd’hui deviennent pères à leur tour ! C’est long, mais sûr.
Typhon, Joseph Conrad
Tout au plus pouvait-on parler parfois de son apparente timidité ; cela venait de ce que, à terre, il avait l’habitude, assis dans les bureaux maritimes, de rester les regards baissés et vaguement souriant. S’il relevait les yeux on remarquait que ces yeux étaient bleus et que leur regard était droit. Des cheveux blonds et extrêmement fins encerclaient d’un duvet soyeux le dôme chauve de son crâne, d’une tempe à l’autre. Sur sa face hâlée, par contre, le poil roux et flamboyant semblait une poussée de fils de cuivre coupés au ras de la lèvre ; sur le plat des joues et d’aussi près qu’il se rasât, des lueurs de métal et de feu passaient dès qu’il tournait la tête.
Discours sur l’esprit positif, Auguste Comte
Malgré la haute importance des divers motifs précédents, des considérations encore plus puissantes détermineront surtout les intelligences populaires à seconder aujourd’hui l’action philosophique de l’école positive par leur ardeur continue pour l’universelle propagation des études réelles elles se rapportent aux principaux besoins collectifs propres à la condition sociale des prolétaires. On peut les résumer en cet aperçu général : il n’a pu exister jusqu’ici une politique spécialement populaire, et la nouvelle philosophie peut seule la constituer.
Les Natchez, François-René de Chateaubriand
Une jeune fille parut à l’entrée de la cabane. Sa taille haute, fine et délice, tenait à la fois de l’élégance du palmier et de la faiblesse du roseau. Quelque chose de souffrant et de rêveur se mêlait à ses grâces presque divines. Les Indiens, pour peindre la tristesse et la beauté de Céluta, disaient qu’elle avait le regard de la Nuit et le sourire de l’Aurore. Ce n’était point encore une femme malheureuse, mais une femme destinée à le devenir. On aurait été tenté de presser cette admirable créature dans ses bras, si l’on n’eût craint de sentir palpiter un cœur dévoué d’avance aux chagrins de la vie.
Lettre à M. Dacier relative à l'alphabet des hiéroglyphes phonétiques, Jean-François Champollion
Une comparaison préliminaire nous avait aussi fait reconnaître que, dans l’écriture démotique, ces deux mêmes noms écrits phonétiquement employaient plusieurs caractères tout-à-fait semblables. L’analogie des trois écritures égyptiennes dans leur marche générale, devait nous faire espérer la même rencontre et les mêmes rapports dans ces mêmes noms écrits hiéroglyphiquement : c’est ce qu’a aussitôt confirmé la simple comparaison du cartouche hiéroglyphique renfermant le nom de Ptolémée avec celui de l’obélisque de Philæ, que nous considérions, d’après l’inscription grecque, comme contenant le nom de Cléopâtre.
Alice au pays des merveilles, Lewis Carroll
Alice ne s’était pas fait le moindre mal. Vite elle se remet sur ses pieds et regarde en l’air ; mais tout est noir là-haut. Elle voit devant elle un long passage et le Lapin Blanc qui court à toutes jambes. Il n’y a pas un instant à perdre ; Alice part comme le vent et arrive tout juste à temps pour entendre le Lapin dire, tandis qu’il tourne le coin : « Par ma moustache et mes oreilles, comme il se fait tard ! ». Elle n’en était plus qu’à deux pas : mais le coin tourné, le Lapin avait disparu. Elle se trouva alors dans une salle longue et basse, éclairée par une rangée de lampes pendues au plafond.
Les Hauts de Hurlevent, Emily Brontë
Avant de franchir le seuil, je me suis arrêté pour admirer une quantité de sculptures grotesques prodiguées sur la façade, spécialement autour de la porte principale. Au-dessus de celle-ci, et au milieu d’une nuée de griffons délabrés et de bambins éhontés, j’ai découvert la date « 1500 » et le nom « Hareton Earnshaw ». J’aurais bien fait quelques commentaires et demandé au revêche propriétaire une histoire succincte du domaine ; mais son attitude à la porte semblait exiger de moi une entrée rapide ou un départ définitif, et je ne voulais pas aggraver son impatience avant d’avoir inspecté l’intérieur.
Chemin de fer et cimetière, Bjørnstjerne Bjørnson
Dans la maison d’Aakre, sa femme l’attendait. Elle savait que le conflit était inévitable ; jamais elle n’avait eu confiance en Lars et, maintenant, elle avait positivement peur de lui. Quand Lars et son mari étaient partis ensemble le matin, elle ne s’était point sentie rassurée : fussent-ils rentrés ensemble, assis à côté l’un de l’autre, elle ne l’aurait pas été davantage. Mais l’obscurité s’était faite, et ils n’étaient point revenus. Elle se tenait sur le pas de la porte, regardant fixement la route, et rien n’apparaissait.
Épisode de la vie d’un artiste, Hector Berlioz
L’auteur suppose qu’un jeune musicien, affecté de cette maladie morale qu’un écrivain célèbre appelle le vague des passions, voit pour la première fois une femme qui réunit tous les charmes de l’être idéal que rêvait son imagination, et en devient éperdûment épris. Par une singulière bizarrerie, l’image chérie ne se présente jamais à l’esprit de l’artiste que liée à une pensée musicale, dans laquelle il trouve un certain caractère passionné, mais noble et timide comme celui qu’il prête à l’objet aimé.
Le Père Goriot, Honoré de Balzac
Vers la fin de cette première semaine du mois de décembre, Rastignac reçut deux lettres, l’une de sa mère, l’autre de sa sœur aînée. Ces écritures si connues le firent à la fois palpiter d’aise et trembler de terreur. Ces deux frêles papiers contenaient un arrêt de vie ou de mort sur ses espérances. S’il concevait quelque terreur en se rappelant la détresse de ses parents, il avait trop bien éprouvé leur prédilection pour ne pas craindre d’avoir aspiré leurs dernières gouttes de sang. La lettre de sa mère était ainsi conçue.
Emma, Jane Austen
M. Woodhouse aimait le monde à sa manière : il se plaisait à recevoir des visites. Installé à Hartfield depuis de longues années, disposant d’une fortune considérable, il était parvenu, avec l’aide de sa fille, à se former un petit noyau d’amis toujours prêts à accourir à son appel. Son horreur des grands dîners et des heures tardives ne lui permettait d’entretenir des relations qu’avec ceux qui consentaient à se plier à ses habitudes : il était rare qu’Emma ne réussît pas à lui trouver des partenaires pour sa partie quotidienne.
Vive la vie !, Alphonse Allais
Ses yeux (oh ! ses yeux !) limpides comme ceux d’un tout petit enfant, sa bouche (oh ! sa bouche !) qui semblait avoir été cueillie, le matin même, sur le plus royal des cerisiers de Montmorency, ses cheveux blonds (d’un ton !) très fins et dont la multitude frisait l’indiscrétion, ses menottes (oh ses menottes !) uniquement composées de fossettes ; tout en elle, tout, compliqué d’un copieux extra-dry préalable, me mettait en des états dont la plus chaste description me ferait traîner devant la justice de mon pays.
Culture libre, Lawrence Lessig
À l’époque où les frères Wright inventaient l’avion, la loi américaine stipulait que le propriétaire d’un terrain était non seulement propriétaire de la surface de son terrain, mais de tout le sous-sol, jusqu’au centre de la Terre, et de tout l’espace au-dessus, « jusqu’à l’infini. » Depuis des années, les érudits s’étaient demandé comment interpréter au mieux l’idée que des droits de propriété terrestres puissent monter jusqu’aux cieux. Cela signifiait-il que vous possédiez les étoiles ? Pouviez-vous poursuivre les oies en justice, pour violations de propriété volontaires et répétées ?
Iliade, Homère
Ayant ainsi parlé, il sortit le premier de l’agora. Et les autres Rois porte-sceptres se levèrent et obéirent au prince des peuples. Et les peuples accouraient. Ainsi des essaims d’abeilles innombrables sortent toujours et sans cesse d’une roche creuse et volent par légions sur les fleurs du printemps, et les unes tourbillonnent d’un côté, et les autres de l’autre. Ainsi la multitude des peuples, hors des nefs et des tentes, s’avançait vers l’agora, sur le rivage immense. Et, au milieu d’eux, Ossa, messagère de Zeus, excitait et hâtait leur course, et ils se réunissaient.
Le Rouge et le Noir, Stendhal
Verrières est abritée du côté du nord par une haute montagne, c’est une des branches du Jura. Les cimes brisées du Verra se couvrent de neige dès les premiers froids d’octobre. Un torrent, qui se précipite de la montagne, traverse Verrières avant de se jeter dans le Doubs, et donne le mouvement à un grand nombre de scies à bois ; c’est une industrie fort simple et qui procure un certain bien-être à la majeure partie des habitants plus paysans que bourgeois. Ce ne sont pas cependant les scies à bois qui ont enrichi cette petite ville. C’est à la fabrique des toiles peintes, dites de Mulhouse, que l’on doit l’aisance générale qui, depuis la chute de Napoléon, a fait rebâtir les façades de presque toutes les maisons de Verrières.
Psychopathologie de la vie quotidienne, Sigmund Freud
Deux des exemples cités dans le chapitre précédent, à savoir ma propre erreur, consistant à situer les Médicis à Venise, et celle du jeune homme qui a su, malgré la défense qui lui en était faite, entrer en communication téléphonique avec sa maîtresse, n’ont pas été décrits d’une façon précise et apparaissent, à un examen plus attentif, comme résultant d’une combinaison d’un oubli et d’une erreur. Avec plus de netteté encore, cette même combinaison apparaît dans quelques autres exemples que je vais citer.
La Princesse de Clèves, Madame de La Fayette
L’humeur ambitieuse de la reine lui faisait trouver une grande douceur à régner. Il semblait qu’elle souffrît sans peine l’attachement du roi pour la duchesse de Valentinois, et elle n’en témoignait aucune jalousie ; mais elle avait une si profonde dissimulation, qu’il était difficile de juger de ses sentiments ; et la politique l’obligeait d’approcher cette duchesse de sa personne, afin d’en approcher aussi le roi. Ce prince aimait le commerce des femmes, même de celles dont il n’était pas amoureux. Il demeurait tous les jours chez la reine à l’heure du cercle, où tout ce qu’il y avait de plus beau et de mieux fait de l’un et de l’autre sexe ne manquait pas de se trouver.
Madame Bovary, Gustave Flaubert
Souvent, lorsqu’il restait à lire dans sa chambre, ou bien assis le soir sous les tilleuls du Luxembourg, il laissait tomber son Code par terre, et le souvenir d’Emma lui revenait. Mais peu à peu ce sentiment s’affaiblit et d’autres convoitises s’accumulèrent par-dessus, bien qu’il persistât cependant à travers elles ; car Léon ne perdait pas toute espérance, et il y avait pour lui comme une promesse incertaine qui se balançait dans l’avenir, tel qu’un fruit d’or suspendu à quelque feuillage fantastique.
Bel-Ami, Gui de Maupassant
Lorsqu’il fut sur le trottoir, il demeura un instant immobile, se demandant ce qu’il allait faire. On était au 28 juin, et il lui restait juste en poche trois francs quarante pour finir le mois. Cela représentait deux dîners sans déjeuners, ou deux déjeuners sans dîners, au choix. Il réfléchit que les repas du matin étant de vingt-deux sous, au lieu de trente que coûtaient ceux du soir, il lui resterait, en se contentant des déjeuners, un franc vingt centimes de boni, ce qui représentait encore deux collations au pain et au saucisson, plus deux bocks sur le boulevard. C’était là sa grande dépense et son grand plaisir des nuits ; et il se mit à descendre la rue Notre-Dame-de-Lorette.
Kernok le pirate, Eugène Sue
Il naquit à Plougasnou ; à quinze ans il se sauva de chez son père, s’embarqua sur un négrier, et là commença son éducation maritime. Il n’y avait pas à bord de mousse plus agile, de matelot plus intrépide, nul n’avait le coup d’œil plus perçant pour découvrir au loin la terre voilée par la brume. Nul ne serrait un hunier avec plus de prestesse et de grâce. Et quel cœur ! Un officier laissait-il négligemment errer sa bourse, le jeune Kernok la ramassait avec soin, mais ses camarades avaient part au contenu ; volait-il du rhum au capitaine, il partageait encore scrupuleusement avec ses intimes.
J’accuse, Émile Zola
Vous êtes sorti sain et sauf des basses calomnies, vous avez conquis les cœurs. Vous apparaissez rayonnant dans l’apothéose de cette fête patriotique que l’alliance russe a été pour la France, et vous vous préparez à présider au solennel triomphe de notre Exposition Universelle, qui couronnera notre grand siècle de travail, de vérité et de liberté. Mais quelle tache de boue sur votre nom — j’allais dire sur votre règne — que cette abominable affaire Dreyfus ! Un conseil de guerre vient, par ordre, d’oser acquitter un Esterhazy, soufflet suprême à toute vérité, à toute justice. Et c’est fini, la France a sur la joue cette souillure, l’histoire écrira que c’est sous votre présidence qu’un tel crime social a pu être commis.
Au pays des pierres, Cécile de Tormay
Au milieu des grandes montagnes assombries, le village s’allongeait démesurément. Près du rempart devenu vert s’élevaient deux vieux chênes. Plus bas, quelques toits rouges, le long de la route des maisons de bois pourri, en lignes zigzagantes, désordonnées… Les fenêtres obliques se regardaient méchamment, avec méfiance. Les toits enfumés avaient glissé de travers sous la pression de la « bora », comme le chapeau des gens ivres. Des petits nuages montaient des cheminées. Un chaud parfum de pain sortait de la maison du sonneur. « Peut-être bien qu’ils se préparent à une noce ! » pensa Jella. L’eau lui vint à la bouche. Affamée, elle continua son chemin.
Quo Vadis, Henryk Sienkiewicz
Pétrone se réveilla seulement vers midi, et très las, comme de coutume. La veille, il avait été convive de Néron, et le festin s’était prolongé fort avant dans la nuit. Depuis quelque temps, sa santé commençait à s’altérer. Il avouait se réveiller le matin tout engourdi et incapable de rassembler ses idées. Mais le bain matinal et un soigneux massage opéré par d’habiles esclaves stimulaient la circulation de son sang paresseux, achevaient de le réveiller, lui rendaient ses forces, si bien que de l’oleotechium, c’est-à-dire du dernier compartiment de la salle de bains, il sortait comme rajeuni, les yeux pétillants d’esprit et de gaieté, élégant, et tellement supérieur qu’Othon lui-même n’eût pu rivaliser avec lui. C’était bien là celui qu’on appelait l’arbiter elegantiarum.
Le Devisement du Monde, Marco Polo
Ayant donc été conduits devant le Grand Khan, ils en furent reçus avec beaucoup de bonté ; il les interrogea sur plusieurs choses, principalement des pays occidentaux, de l’empereur romain et des autres rois et princes, et de quelle manière ils se comportaient dans leur gouvernement, tant politique que militaire ; par quel moyen ils entretenaient entre eux la paix, la justice et la bonne intelligence. Il s’informa aussi des mœurs et de la manière de vivre des Latins ; mais surtout il voulut savoir ce qu’était la religion chrétienne, et ce qu’était le pape, qui en est le chef. A quoi nos Vénitiens ayant répondu le mieux qu’il leur fut possible, l’empereur en fut si content qu’il les écoutait volontiers et qu’il les faisait souvent venir à sa cour.
Le Chat maigre, Anatole France
Les bourrasques de novembre fouettaient depuis trois jours le faubourg populeux, que les premières ombres de la nuit revêtaient déjà. Des flaques d’eau miroitaient sous les becs de gaz. Une boue noire, délayée par les pas des hommes et des chevaux, couvrait le trottoir et la chaussée. Les ouvriers, portant leurs outils sur le dos, et les femmes, revenant de chez le traiteur avec des portions de bœuf entre deux assiettes, marchaient sous la pluie en tendant le dos, dans la morne attitude des bêtes de somme.
Olivier Twist, Charles Dickens
Olivier revint bientôt de l’évanouissement que lui avait causé la brusque exclamation de M. Brownlow : celui-ci et Mme Bedwin évitèrent soigneusement de reparler du tableau, et la conversation ne roula ni sur l’histoire, ni sur l’avenir d’Olivier, mais seulement sur des sujets propres à le distraire sans l’impressionner. Il était encore trop faible pour se lever pour le déjeuner ; mais quand il descendit le lendemain dans la chambre de la femme de charge, son premier mouvement fut de jeter un regard avide sur la muraille, dans l’espoir de revoir la figure de la belle dame ; son attente fut trompée : le portrait avait disparu.
Code de la Propriété Intellectuelle, Article L. 123-6
Pendant la période prévue à l’article L. 123-1, le conjoint survivant, contre lequel n’existe pas un jugement passé en force de chose jugée de séparation de corps, bénéficie, quel que soit le régime matrimonial et indépendamment des droits qu’il tient des articles 756 à 757-3 et 764 à 766 du code civil sur les autres biens de la succession, de l’usufruit du droit d’exploitation dont l’auteur n’aura pas disposé. Toutefois, si l’auteur laisse des héritiers à réserve, cet usufruit est réduit au profit des héritiers, suivant les proportions et distinctions établies par l’article 913 [et 914] du code civil.
Les Trois Mousquetaires, Alexandre Dumas
Le premier lundi du mois d’avril 1625, le bourg de Meung, où naquit l’auteur du Roman de la Rose, semblait être dans une révolution aussi entière que si les huguenots en fussent venus faire une seconde Rochelle. Plusieurs bourgeois, voyant s’enfuir les femmes du côté de la grande rue, entendant les enfants crier sur le seuil des portes, se hâtaient d’endosser la cuirasse et, appuyant leur contenance quelque peu incertaine d’un mousquet ou d’une pertuisane, se dirigeaient vers l’hôtellerie du Franc Meunier, devant laquelle s’empressait, en grossissant de minute en minute, un groupe compact, bruyant et plein de curiosité.
Jean qui grogne et Jean qui rit, Comtesse de Ségur
« Je suis resté trop longtemps chez cette pauvre femme, se disait-il. Je voyais que ma présence la consolait ; c’est comme si elle avait eu Jean auprès d’elle ! Pauvre mère ! c’est pourtant terrible d’envoyer son enfant faire cent vingt lieues à pied, seul, presque sans argent, pour arriver à Paris, où tant de jeunes gens se perdent et meurent de faim… J’irai la consoler et lui parler de Jean quelquefois ; c’est une charité. Et je donnerai de ses nouvelles à… Imbécile que je suis, s’écria-t-il, j’ai oublié de demander à Jean son adresse ! C’est-il bête ! Où le trouver dans ce grand diable de Paris ?… La mère doit le savoir ; je le lui demanderai quand je la verrai. »
La Valeur de la Science, Henri Poincaré
Il est impossible d’étudier les Œuvres des grands mathématiciens, et même celles des petits, sans remarquer et sans distinguer deux tendances opposées, ou plutôt deux sortes d’esprits entièrement différents. Les uns sont avant tout préoccupés de la logique ; à lire leurs ouvrages, on est tenté de croire qu’ils n’ont avancé que pas à pas, avec la méthode d’un Vauban qui pousse ses travaux d’approche contre une place forte, sans rien abandonner au hasard. Les autres se laissent guider par l’intuition et font du premier coup des conquêtes rapides, mais quelquefois précaires, ainsi que de hardis cavaliers d’avant-garde.
L’Escarboucle bleue, Conan Doyle
Le surlendemain de Noël, je passai dans la matinée chez mon ami Sherlock Holmes pour lui souhaiter la bonne année. Il était en veston d’intérieur, paresseusement étendu sur un sofa ; à portée de sa main une pipe et une pile de journaux qu’il avait dû lire et relire tant ils étaient froissés ; un peu plus loin, sur le dossier d’une chaise de paille, un vieux chapeau de feutre dur très râpé et bossué. Un microscope et une forme à chapeau, posés sur la chaise elle-même attestaient que le chapeau avait dû être placé là pour être examiné attentivement.
La Chèvre et l’Âne, Ésope
Un homme nourrissait une chèvre et un âne. Or la chèvre devint envieuse de l’âne, parce qu’il était trop bien nourri. Et elle lui dit : « Entre la meule à tourner et les fardeaux à porter, ta vie est un tourment sans fin, » et elle lui conseillait de simuler l’épilepsie, et de se laisser tomber dans un trou pour avoir du repos. Il suivit le conseil, se laissa tomber et se froissa tout le corps. Son maître ayant fait venir le vétérinaire, lui demanda un remède pour le blessé. Le vétérinaire lui prescrivit d’infuser le poumon d’une chèvre ; ce remède lui rendrait la santé. En conséquence on immola la chèvre pour guérir l’âne.
L’Affaire Lerouge, Émile Gaboriau
Le jeudi 6 mars 1862, surlendemain du mardi-gras, cinq femmes du village de La Jonchère se présentaient au bureau de police de Bougival. Elles racontaient que depuis deux jours personne n’avait aperçu une de leurs voisines, la veuve Lerouge, qui habitait seule une maisonnette isolée. À plusieurs reprises, elles avaient frappé en vain. Les fenêtres comme la porte étant exactement fermées, il avait été impossible de jeter un coup d’œil à l’intérieur. Ce silence, cette disparition les inquiétaient. Redoutant un crime, ou tout au moins un accident, elles demandaient que « la Justice » voulût bien, pour les rassurer, forcer la porte et pénétrer dans la maison.
Les Bourbons d’Espagne sous l’Empire, Armand Lefebvre
L’alliance conclue à Tilsitt le 7 juillet 1809 était principalement une alliance maritime ; elle avait pour objet précis et limité d’obliger l’Angleterre à répudier ses maximes absolues en matière de navigation et à reconnaître le principe d’une parfaite égalité entre tous les pavillons. Dans la prévision qu’elle refuserait de faire la paix à de telles conditions, la France et la Russie avaient pris l’engagement de forcer toutes les puissances maritimes de l’Europe, toutes, sans exception, à lui fermer leurs ports et leurs marchés et à lui déclarer la guerre. Le récit qu’on va lire est l’histoire des efforts tentés par l’empereur Napoléon pour soumettre au système continental le Portugal et l’Espagne, et les enchaîner sans retour l’un et l’autre à la fortune de sa maison.
Candide, ou l’Optimisme, Voltaire
Il y avait en Westphalie, dans le château de monsieur le baron de Thunder-ten-tronckh, un jeune garçon à qui la nature avait donné les mœurs les plus douces. Sa physionomie annonçait son âme. Il avait le jugement assez droit, avec l’esprit le plus simple ; c’est, je crois, pour cette raison qu’on le nommait Candide. Les anciens domestiques de la maison soupçonnaient qu’il était fils de la sœur de monsieur le baron et d’un bon et honnête gentilhomme du voisinage, que cette demoiselle ne voulut jamais épouser parce qu’il n’avait pu prouver que soixante et onze quartiers, et que le reste de son arbre généalogique avait été perdu par l’injure du temps.
Convention Internationale des Droits de l’Enfant, Article 2
Les États parties s’engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d’opinion politique ou autre de l’enfant ou de ses parents ou représentants légaux, de leur origine nationale, ethnique ou sociale, de leur situation de fortune, de leur incapacité, de leur naissance ou de toute autre situation.
Le Rhin, Victor Hugo
L’obstacle moral, c’est l’inquiétude que la France éveille en Europe. La France en effet, pour le monde entier, c’est la pensée, c’est l’intelligence, la publicité, le livre, la presse, la tribune, la parole ; c’est la langue, la pire des choses, dit Ésope : ― la meilleure aussi. Pour apprécier quelle est l’influence de la France dans l’atmosphère continentale et quelle lumière et quelle chaleur elle y répand, il suffit de comparer à l’Europe d’il y a deux cents ans, dont nous avons crayonné le tableau en commençant, l’Europe d’aujourd’hui.